Car Sylvia Wildenstein finit par avoir des soupçons. Épaulée par une avocate pugnace, Claude Dumont-Beghi, sans laquelle les secrets de toute l’affaire n’auraient jamais été percés, elle comprend progressivement qu'elle n'aurait jamais dû renoncer à sa part de la succession. Et elle découvrira que son mari était en fait toujours à la tête d'une colossale fortune, constituée de toiles de maître, de biens immobiliers aussi innombrables que luxueux, de chevaux de course. Une véritable caverne d'Ali Baba des temps modernes.
Sylvia Wildenstein en obtient très vite un premier indice, même s'il est très partiel : le 23 avril 2002, Guy et Alec Wildenstein établissent une déclaration de succession, transmise à l'administration fiscale, qui fait état d'un patrimoine légué de 42,985 millions d'euros, constitué en tableaux de très grande valeur. Ce n'est pas encore la montagne d'or qu'elle découvrira plus tard, juste la première preuve qu'elle a été abusée.

Dans un premier temps, la justice lui donne raison. Le 14 avril 2005, la cour d'appel de Paris annule la déclaration de succession établie par les deux frères et, dans le même temps, la renonciation à succession de Sylvia Wildenstein. Pour cette dernière, il s'agit d'une victoire judiciaire majeure. Obtenant une rente de 400 000 euros par an et la jouissance d'un appartement, elle est surtout rétablie dans ses droits d'héritière. À l'avenir, pourtant, le cours de la justice ne lui sera pas aussi favorable. À partir de 2007 en particulier – et pour son avocate, la coïncidence est troublante. Dans un arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 16 juin 2010, Sylvia Wildenstein se voit ainsi condamner pour « procédure abusive » à payer 175 000 euros aux autres héritiers de son mari. Dans ses attendus, la cour fustige le « battage médiatique » – curieuse formule ! – opéré par la veuve, qui aurait pour but de la présenter « comme une victime », et rappelle qu'elle a déjà perçu en 2004 une provision de 15 millions d'euros et reçoit cette rente annuelle de 400 000 euros, sans participer aux frais de gestion de la succession.
Mais, malgré cette déconvenue – qui conduit l'avocate Claude Dumont-Beghi à introduire pour sa cliente un pourvoi en cassation –, Sylvia Wildenstein n'en est pas moins dans une position de force, puisqu'elle est reconnue par la justice comme l'héritière légitime de feu son époux.

Parallèlement à la confrontation judiciaire, interminable autant que complexe, commence donc, à partir de 2005, une véritable chasse au trésor : mais puisque Daniel Wildenstein n'était pas ruiné quand il est décédé, quel est le véritable montant de sa fortune ?
Car l'avocate Claude Dumont-Beghi, qui de toute cette histoire finira par faire deux livres (le deuxième, Les Milliards cachés des Wildenstein, éditions de l’Archipel, 272 pages, 20 €, doit paraître le 6 janvier 2016), a très vite de nombreux doutes. D'abord, le montant de la succession tel qu'il a été déclaré par les deux frères Wildenstein, soit 42,985 millions d'euros, lui semble notoirement sous-évalué. Elle n'est pas loin de penser que la somme déclarée à l'administration fiscale n'équivaut qu'à environ 10 % du montant réel des œuvres ou des biens déclarés. Exemple : le château de Marienthal (photo ci-dessus), à Verrières-le-Buisson (Essonne), est évalué dans la déclaration de succession à 2 millions d'euros, alors que le montant sera ultérieurement réévalué à 20 millions d'euros. Les fameux 69 pur-sang vendus durant le coma de Daniel Wildenstein ont été évalués à seulement 809 000 euros, soit sans doute, là encore, 10 % de leur véritable valeur. (…)