Au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, l’exposition Iran, Unedited History 1960-2014, qui continue jusqu’à la fin du mois d’août avant de plier bagage vers Rome, bouscule les images toutes faites qui nous viennent trop souvent du pays des mollahs. Donnant accès à un art moderne et contemporain rarement montré en France et à une multitude de photographies, films, archives écrites, documents ou affiches, l’exposition permet de revisiter l’histoire iranienne et les rapports complexes et mouvants qu’entretiennent, dans ce pays, art et politique.
L’exposition est divisée en trois séquences. La première est consacrée aux années de la « modernisation », entre 1960 et 1978, avec un essor des arts visuels qui fait se percuter la scène artistique d’un tiers-monde post-Bandung avec les avant-gardes venues d’Europe. Une rencontre permise notamment lors des neuf éditions du festival de Shiraz-Persépolis (1967-1978), qui était certes la vitrine culturelle du régime du Shah, inaccessible au peuple iranien, mais accueillait non seulement la pointe de l’art occidental, de Bob Wilson à Iannis Xenakis, mais aussi les artistes et producteurs iraniens.
L’Iran d’avant la révolution laissait donc un espace d’expression pour des peintres comme Bahman Mohasses ou des photographes comme Kaveh Golestan. Ce dernier a documenté, dans une impressionnante série photographique le quartier rouge de Téhéran, Shahr-e No, avant qu’il ne soit détruit.
Kaveh Golestan (1950-2003) Série des Prostituées (Shahr-e No), 1975-1977 © Collection Kaveh Golestan Estate, Londres
« On y voit déjà toutes les tensions à l’œuvre dans la société iranienne, qui exploseront avec la Révolution, explique Catherine David, une des commissaires de l’exposition, désormais directrice adjointe du Musée national d’art moderne, chargée de la mondialisation. C’est à cette période qu’émerge toute une génération de photographes ou de cinéastes qui vont produire des images sur les aspects les plus durs de la société iranienne, notamment la prostitution ou la drogue, qui ne disparaissent pas avec la Révolution. »
La seconde séquence, la plus impressionnante, se concentre durant les années 1979 et 1988 sur la Révolution et la guerre Iran-Irak. On y perçoit la diversité des images produites pendant cette Révolution, depuis les fresques qui s’emparent alors des murs de Téhéran jusqu’aux affiches effervescentes produites à la faculté des beaux-arts, en passant par les rushes du cinéaste Kamran Shirdel. Et on assiste aussi à la bagarre d’images qui s’engage entre des révolutionnaires, marxistes ou religieux, unis un temps par le rejet du régime du Shah, puis devenus adversaires, lorsque la théocratie de l’imam Khomeini accroît son emprise sur la société iranienne en se servant de la guerre avec le voisin irakien pour confisquer la révolution par la religion.
via www.mediapart.fr