Un projet de loi inefficace pour l’emploi, une précarisation généralisée du travail et des travailleurs | L’Humanité

Contribution de chercheur-e-s du Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail (LEST, CNRS) au débat sur le projet de loi « Travail ».
L’adoption du projet de loi « Travail » prolongerait deux évolutions négatives du droit du travail et du marché du travail, engagées depuis trente ans : la précarisation, qui ne contribue ni à créer des emplois ni à réduire les inégalités dans l’accès à l’emploi stable et qualifié ; la pression à la baisse sur la rémunération des travailleurs plus stables, qui ne dynamise ni l’activité ni l’emploi. Cette loi acterait par ailleurs un pas supplémentaire dans l’inversion de la hiérarchie des normes fragilisant l’ensemble des salariés. Loin d’offrir une plus grande protection aux salariés déjà les plus précaires dans leur emploi et dans leur travail, pour une partie desquels le droit du travail ne s’applique même pas, ce projet de loi risque en revanche d’affaiblir les protections légitimes des salariés qui en disposent encore.
 
Une vision fictive du marché du travail
Ce projet de loi affiche pour objectif d’assouplir les contraintes juridiques qui s’imposent aux entreprises en vue d’améliorer leur compétitivité, de faciliter la création d’emplois et de réduire la dualisation du salariat, entre salariés en emploi stable et salariés en emploi précaire. L’apologie incessante de la nécessaire « flexibilisation » du marché du travail repose pourtant sur une vision de ses modalités de fonctionnement totalement déconnectées des réalités. De fait, aucune étude ne permet d’attester un lien entre code du travail et niveau de chômage. En revanche, toutes nos enquêtes conduisent à démonter le mythe de la « rigidité » du marché du travail français et de la surprotection de ses salariés. Et elles nous permettent de pointer les effets potentiellement délétères qu’un assouplissement supplémentaire des règles de fonctionnement du marché du travail produirait sur les situations d’emploi et la santé des salariés.
 
Un marché du travail déjà très (trop) flexible
Au terme de trente années de soutien à la compétitivité des entreprises au nom de la lutte contre le chômage, le CDI reste certes la forme d’emploi dominante, puisqu’il concerne 86% des salariés hors fonction publique. Le CDI n’est pas pour autant synonyme de stabilité dans l’emploi. Pour preuve, un tiers (36%) des CDI sont rompus au cours de la première année et un quart des salariés en CDI craignent de perdre leur emploi dans l’année à venir. Il faut dire que le code du travail ouvre beaucoup de possibilités aux employeurs pour mettre fin aux contrats de leurs salariés, du moment que cette rupture est justifiée par des motifs personnels ou d’ordre économique. En outre, seuls un tiers des licenciements 2 « économiques » s’accompagnent d’un Plan Social pour l’Emploi (PSE), incluant le versement d’indemnités compensatoires et des procédures de reclassement des salariés (à l’efficacité elle-­‐même très limitée). De fait, la procédure du PSE ne concerne que les entreprises de plus de 50 salariés. Et, dans ces dernières, les directions privilégient souvent des ajustements d’effectifs incluant moins de dix salariés, afin d’éviter à avoir à mettre en oeu

via www.humanite.fr

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x