Alexis Tsipras, le président de Syriza, est le candidat à la Commission présenté par le parti de la gauche européenne (PGE). Le leader grec dont le parti a réussi une percée spectaculaire en juin 2012, remportant près de 27 % des voix et 71 sièges de députés au parlement grec, était de passage à Bruxelles et à Paris ces jours-ci pour le lancement de la campagne du PGE : du 22 au 25 mai, les électeurs des 28 États membres de l’UE sont appelés à désigner un nouveau parlement européen. Entretien.
Mediapart : Vous êtes candidat à la présidence de la Commission au nom de la gauche européenne. Quel est votre programme ?
Alexis Tsipras : Le principal axe de notre campagne, c'est la nécessité d’un changement de la politique économique de l'Union européenne, et du rétablissement de la démocratie. Je pense que l'Europe se trouve à un carrefour critique : les politiques qui ont été suivies ces dernières années ont conduit les peuples à une impasse ; nous nous trouvons dans certains pays face à une crise humanitaire et dans la plupart des pays européens face à une crise de cohésion sociale. Cela ne peut pas continuer.
En même temps, nous nous trouvons dans une période où les notions de démocratie et de souveraineté populaire sont remises en cause : les décisions sont prises à huis clos entre petits groupes de personnes où des ministres des finances ou premiers ministres décident de s’attaquer au peuple sans l’en avertir au préalable. Et les interventions de la Troïka (la commission européenne, la banque centrale européenne et le Fonds monétaire international, ndlr), un organe en dehors des institutions qui n’a de comptes à rendre à personne, ont été dévastatrices.
Voilà nos deux principales batailles : une alternative à l'austérité, et le rétablissement de la démocratie. Pour ces élections, la gauche s’adresse donc à un auditoire bien plus grand que celui qu’elle avait ces dernières années, car ces deux axes se recoupent avec des convictions et des forces dans la société qui autrefois n'avaient rien à voir avec la gauche mais comprennent aujourd'hui que l'Europe se trouve à un carrefour et ne peut plus être régie par l’austérité.
Votre candidature signifie donc que vous cautionnez malgré tout les institutions européennes…
La possibilité, pour la première fois avec ces élections, de faire élire le président de la commission par le parlement européen, c'est un changement positif. Cela ne signifie pas que la manière dont les décisions sont prises à la commission, ou que l’affaiblissement de plus en plus grand du rôle du parlement, soient justes. Mais là, il faut reconnaître qu’une décision positive a été prise.
La vérité, c’est que nous voulons changer énormément de choses en Europe : nous voulons changer le cadre européen ! Nous ne cautionnons ni les structures actuelles ni la politique menée aujourd'hui. Mais cela ne signifie pas que nous devons nous abstenir de la possibilité institutionnelle d'exprimer notre opinion… Imaginez un parti qui veut changer la politique de son pays et changer les structures de fonctionnement de l'État. Sous prétexte qu'il ne serait pas d'accord avec elles, il ne prendrait pas part aux élections ? Pour nous, il n'y a donc pas de dilemme, nous relevons le défi de cette présidence de la commission.
La gauche européenne ne joue plus aujourd’hui un rôle de seconde zone : ce n'est pas une force périphérique, seulement là pour amuser la galerie… C'est une force qui veut gouverner, comme va le démontrer le résultat des élections : le parti de la gauche européenne sera la troisième force politique au parlement européen après les sociaux-démocrates et la droite du parti populaire européen, il arrivera devant les libéraux et les Verts, ce qui veut dire que dans la période qui s'annonce, il va jouer un rôle proéminent dans le combat pour la forma
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