Il faut au moins porter cela au crédit du gouvernement : tout au long du stupéfiant tango d’amour qu’il danse depuis 2012 avec le patronat, il n’a jamais commis de faux pas. Pas le moindre ! Après avoir pris pour pivot de sa politique économique le fameux « choc de compétitivité » élaboré avant l’élection présidentielle par l’Institut de l’entreprise ; après avoir opposé une fin de non-recevoir aux professeurs ou chercheurs du supérieur qui plaidaient pour davantage de pluralisme, face à la tyrannie du néolibéralisme ; le voici qui ouvre un peu plus grand les portes des lycées au même Institut de l’entreprise, en cooptant au sein du Conseil national éducation économie (CNEE) trois nouveaux dirigeants, anciens ou actuels, de cette même chapelle patronale, annexe du Medef.
C’est l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (APSES) qui vient de tirer le signal d’alarme, dans un communiqué publié le 2 avril (que l'on peut télécharger ici). Dans ce communiqué, l’APSES, qui de longue date mène des combats courageux pour la défense de l’enseignement des sciences économiques et sociales dans le secondaire, signale ainsi – ce qui était passé inaperçu – que la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a pris un arrêté le 28 mars (on peut le consulter ici), faisant entrer de nouvelles personnalités au sein du CNEE, parmi lesquelles Jean-Pierre Boisivon (ancien délégué général de l’Institut de l’entreprise), Michel Pébereau (ancien président de la même officine patronale, ancien patron de BNP Paribas et éminence grise du capitalisme parisien) et Xavier Huillard (actuel président de la même officine et patron du groupe Vinci).
Le CNEE n’a, certes, pas de compétence directe sur les programmes – c’est au Conseil supérieur des programmes (CSP) qu’incombe la mission de formuler des avis dans ce domaine. Mais dans la galaxie des commissions consultatives qui gravite autour de l’éducation nationale, le Conseil national éducation économie (CNEE) joue un rôle important puisqu’il constitue, selon le site internet du ministère de l’éducation nationale, « une instance de dialogue et de prospective qui vise à mieux articuler les enjeux éducatifs et les enjeux économiques ».
Or, le patronat n’a eu de cesse ces dernières décennies de mettre le pied dans la porte des collèges et des lycées, pour essayer d’y jouer un rôle croissant et élargir son influence, notamment pour peser sur la culture économique et sociale qui est diffusée dans le monde éducatif. On comprend donc l’émotion de l’APSES à la lecture de l’arrêté du 28 mars, compte tenu du profil de trois des nouveaux entrants, qui ont donc tous joué les premiers rôles au sein de l’Institut de l’entreprise, l’un des lobbys patronaux parmi les plus actifs.
Pourquoi Najat Vallaud-Belkacem a-t-elle fait ce choix ? Il faut avouer qu’on peut être légitimement stupéfait, ayant à l’esprit les états de service des nouveaux entrants dans cette enceinte.
D’abord, BNP Paribas, dont Michel Pébereau a longtemps été la figure tutélaire, traîne derrière elle un nombre de casseroles incalculable
via www.mediapart.fr