«Quand l’austérité tue», une lucarne sur les déterminants sociaux de la santé

Le livre de David Stuckler et Sanjay Basu « Quand l’austérité tue »  est un livre important (1). Il permet une analyse à deux niveaux de temporalité. Pour le court terme, il s’agit de rechercher les meilleures réponses à apporter lors des crises économiques. Pour le long terme, il vient confirmer en creux l’état des connaissances scientifiques concernant les déterminants sociaux de la santé.

 

 

Un réquisitoire implacable contre l’austérité aveugle

 

Les deux chercheurs, auteurs de multiples publications scientifiques dans des revues à comité de lecture, nous livrent ici le résultat de plusieurs années de recherches dans une synthèse très accessible.

Les auteurs effectuent une analyse historique de plusieurs grandes crises économiques (grande dépression des années 30, chute de l’URSS en 91, et la crise asiatique à la fin des années 90), puis étudie la crise actuelle débutée en 2008, qu’ils nomment la Grande Récession.

Leur analyse est originale et très  rigoureuse car elle s’appuie sur les données sanitaires disponibles pour dresser un bilan des politiques mises en œuvre pour faire face à ces crises. Leur bilan est sans appel : l’austérité ou plus précisément le consensus de Washington (1) est inefficace économiquement et néfaste sur le plan sanitaire. Dit autrement, les auteurs rappellent aux dirigeants que leurs décisions, sous le masque de la technique et de l’économie, auront un impact sur la santé de leur population (qu’ils sont censés protéger) et peuvent parfois les tuer indirectement dans la plus parfaite inutilité (et impunité).

En effet, ce ne sont pas  les crises et les récessions qui sont directement responsables de cette dégradation sanitaire, mais la manière  d’y répondre politiquement. Cette conclusion provient de la comparaison des différentes politiques publiques, qui ont été réalisées en étudiant des « expériences naturelles ». Ces dernières correspondent à l’analyse de deux pays ou groupe de pays subissant la même crise économique mais mettant en œuvre des réponses politiques différentes, pour schématiser l’austérité ou la relance. Ainsi les populations dans leur ensemble sont comme soumises à un essai clinique, et l’analyse des données sanitaires (taux de mortalité, mortalité infantile, taux de suicide par exemple) et des grands indicateurs économiques (PIB/habitants, taux de chômage, dette publique par exemple) permet ensuite de comparer l’efficacité de telle ou telle mesure. La force de ce livre est sa robustesse statistique, qui rend difficile toute contestation des conclusions.

Elles renforcent le constat de la nullité du consensus de Washington, ce qui ne l’empêche pas d’être appliqué consciencieusement par les gouvernements européens. Comme illustration assez effrayante de la grossièreté des méthodes du FMI, nous apprenons que, lors de la crise asiatique, les économistes y travaillant utilisaient quasiment les mêmes documents pour tous les pays. Ils changeaient simplement dans le texte le nom du pays auquel  les documents seraient ensuite transmis. Stiglitz, ancien économiste en chef de la banque mondiale, rappelait que la fonction chercher/remplacer des traitements de texte n’était pas infaillible et qu’elle laissait parfois passer le nom du pays précédent, qui du coup n’était pas modifié, ce qui devait être du plus bel effet…

L’un des apports théoriques fondamentaux apporté par ce livre concerne le « multiplicateur budgétaire ». C’est un coefficient qui estime l’efficacité ou l’inefficacité d’une dépense publique sur l’accroissement du revenu national, donc in fine sur la croissance. Lorsque ce multiplicateur est supérieur à 1, par exemple 1.5, cela signifie que 1 euro de dépense entraîne un accroissement de 1.5 euros du revenu national. A l’inverse un multiplicateur inférieur à 1, par exemple 0.5, correspond à une contra

via blogs.mediapart.fr

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