Cela fait plusieurs années que l’entreprise de BTP Eiffage « imagine la ville durable à l’horizon 2030 » [1]. Depuis 2007, l’entreprise a monté un laboratoire de prospective en développement urbain durable, nommé Phosphore. Ce laboratoire avait besoin de « terrains de jeu virtuels » ou de « bac à sable », selon les propres mots d’Eiffage. C’est-à-dire des vraies villes avec de vrais habitants. Les programmes Phosphore 1 et 2 ont été élaborés sur le petit quartier d’Arenc à Marseille, Phosphore 3 a eu pour théâtre 200 hectares à Strasbourg. Depuis 2011, Phosphore 4 travaille sur l’agglomération grenobloise, un territoire autrement plus grand : « 31 000 hectares et plus de 400 000 habitants. Avec ce nouveau terrain de jeu virtuel, les défis et champs d’analyse de Phosphore 4 ont, une nouvelle fois, été largement renouvelés ».
En introduction de la soirée de présentation des conclusions de l’étude, le 17 septembre 2013, Marc Baietto, président de la Métro – la communauté d’agglomération de Grenoble – se félicite d’avoir eu le « courage » de confier cette étude à une entreprise privée, « pour nous permettre de réfléchir librement (sic). (…) Il nous faut sortir de nos ornières, de nos cercles, de nos habitudes de pensée. La réflexion est libre. Travailler avec un groupe comme Eiffage, c’est un gros avantage. »
Une étude à 286 000 euros mais un esprit « non mercantile »…
Pour Eiffage, travailler avec un groupe comme la Métro est un gros avantage, qui s’évalue, cette fois-ci, à 286 000 euros payés par la communauté de communes (le tarif initial était de 885 000 euros, revu ensuite à la baisse) [2]. A ce prix-là, Valérie David, directrice du développement durable chez Eiffage, s’extasie, lors de la soirée de présentation des conclusions de l’étude : « On a travaillé avec un esprit d’enfant, candide. (…) Trente-cinq professionnels tous différents, tous motivés ont travaillé pendant dix-huit mois, et ont laissé libre cours à leurs idées. » Avant d’assurer, sans rire : « L’objectif de ce laboratoire n’est pas mercantile. » Pour Phosphore 4, la boîte s’est donc associée avec des entreprises aussi désintéressées qu’elle : Poma, leader du transport par câble et Dassault Systèmes, qui s’est occupé de réaliser les maquettes.
Quelles sont donc ces fameuses idées [3] ? Pour résumer, Eiffage propose de réorganiser totalement les déplacements grenoblois, en installant à chaque entrée de l’agglomération des « hubs multimodaux » (hub signifiant plate-forme de correspondance en novlangue) qui seront des « filtres, plate-formes logistiques et nœuds de mobilité décarbonée ». Dans le projet, le plus grand d’entre eux est situé au nord-ouest de l’agglomération, sur la commune du Fontanil-Cornillon et occupe une surface de plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés et plus de huit cent mètres de long. Il propose des commerces, des services et un « parking de 8 000 places ». On peut s’y garer et ensuite prendre un des « transports en commun non émissifs ou de déplacement ‘‘doux’’ (TER, transport urbain par câble, tramway, vélos et véhicules électriques en autopartage) » qui po
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