Pourquoi la télévision publique a-t-elle passé sous silence le scandale Ernotte ?, par Laurent Mauduit

Pour quiconque voudrait vérifier que la télévision publique française souffre d’un manque terrible d’indépendance, l’affaire Ernotte fonctionne comme un révélateur. A ma connaissance, aucune chaîne de télévision publique ne s’est fait l’écho des irrégularités en cascade qui ont permis à une personnalité qui ne connaît strictement rien à ses problématiques d’être choisie par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) comme la future patronne de France Télévisions.

Toute muselée, toute prisonnière qu’elle soit du capitalisme de connivence à la Française, la presse écrite a évoqué ce scandale, qui en dit long sur l’anémie de notre démocratie. Après l’enquête de Mediapart révélant ces irrégularités innombrables (Lire France Télévisions : la désignation de la PDG entachée et France Télévisions: la justice va être saisie du scandale Ernotte), plusieurs journaux, du Parisien jusqu’au Monde, ont eux aussi publié de longs articles documentés confirmant que la désigntaion de Delphine Ernotte s’était déroulée de manière irrégulière.

Mais sur les chaînes très nombreuses de France Télévisions, à ma connaissance, rien ! Pas le moindre écho. L’information était importante, mais les chaînes publiques ont préféré la taire. On observera, certes, que ces chaînes de télévision publiques sont malheureusement assez coutumières de ce genre de censure. Un seul exemple : même si la crise financière a révélé l’imposture de quelques économistes mondains qui, se présentant sous leur casquette universitaire, cachent qu’il siègent dans des conseils d’administration de grandes banques ou compagnies d’assurance, et vendent aux téléspectateurs toujours les mêmes recettes, celles du néolibéralisme, la télévision publique se rend le plus souvent complice de ces imposteurs. Il a longtemps suffit de suivre l’émission « C dans l’air » présentée par Yves Calvi, sur la 5 pour le mesurer : depuis des lustres, ce sont toujours les mêmes économistes qui y ont leur rond de serviette ; et on a tôt fait d’y oublier que l’économie n’est pas une science exacte, mais une branche des sciences sociales dont la richesse ne tient qu’à la diversité de ses approches.

Mais dans le cas de la procédure de désignation de la future PDG de France Télévisions, la censure – ou plutôt l’autocensure- prend un relief encore plus spectaculaire. Rien, pas un mot ! L’affaire Ernotte est tout simplement passée à la trappe.

Pour défendre mon enquête, pour expliquer le travail d’enquête que j’avais mené sur Mediapart, il n’y a donc eu que Thierry Ardisson sur Canal + qui m’en a offert l’opportunité, samedi, lors de son émission « Salut les terriens ». Merci donc aux Terriens ! Et pour celles et ceux qui souhaiteraient retrouver le passage de cette émission, je m’autorise à le publier ci-dessous. C’est à visionner à partir de 17’55’’.

via blogs.mediapart.fr

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