Pérou: le procès qui vise les défenseurs de l’Amazonie – Page 1 | Mediapart

Dans ce virage qu’on appelle la Curva del diablo, des policiers et des manifestants se sont entretués, le 5 juin 2009, près de Bagua au Pérou. Après avoir tiré sur la foule, des policiers ont été abattus avec leurs propres armes de service perdues dans des corps à corps avec les manifestants. Cinq ans plus tard, les noms de tous les morts figurent sur de petites croix plantées au-dessus de la route. Côte à côte. Victimes d’une même décision gouvernementale, celle de l’évacuation de la Marginal de la Selva, route qui traverse l’Amérique latine du nord au sud, alors bloquée par les indigènes. À quelques centaines de mètres de la Curva, un petit monument anonyme a été édifié en « l'honneur » des « Péruviens décédés le 5 juin 2009 ». Sur une première colonne sont inscrits les noms des policiers ; à côté, ceux des manifestants.

Au-dessus de la route, les croix aux noms des victimes, manifestants et policiers.Au-dessus de la route, les croix aux noms des victimes, manifestants et policiers. © K. Laske

Venus du nord de l’Amazonie, les indigènes awajun et wampis bloquaient cette route depuis le 26 mai 2009, pour réclamer la suspension de décrets-lois visant à concéder d'amples territoires amazoniens à des compagnies privées. À l’aube du 5 juin, l’assaut policier fait plusieurs morts chez les manifestants, provoquant une émeute qui s'étend dans plusieurs villes, et se termine par le lynchage d’autres policiers, reclus dans une station pétrolière. Le bilan est de 33 morts dont 24 policiers, un disparu, et 200 blessés, dont 82 par balles. On parle depuis de l’émeute de Bagua comme du Baguazo, l’énorme faux pas du pouvoir. Pourtant, après cinq ans d’enquête, le procès de la Curva del diablo a commencé le 14 mai 2014, à raison d’une audience tous les quinze jours, focalisé sur la responsabilité des seuls manifestants. Sept peines de perpétuité ont d’ores et déjà été requises contre les principales figures du mouvement amazonien, en tant « qu’instigateurs » de l’émeute. Une enquête, disjointe, est en cours concernant les responsabilités de la police, mais ses conclusions se font attendre. Les familles des policiers décédés ont récemment jugé « inadmissible » que « le procès des généraux de la police et des autorités qui ont ordonné l’opération » soit au point mort « par manque de rigueur du ministère public ».

Le procès des manifestants a lieu dans la périphérie de Bagua, ville de 70 000 habitants aux rues envahies de motos-taxis. Dans le Módulo judiciaire, un bâtiment en rez-de-chaussée qui ressemble à une école. Cinquante-trois prévenus sont appelés. Parmi eux, il y a encore de nombreux quidams arrêtés sur la route, les responsables du mouvement amazonien, et seulement trois hommes contre lesquels des éléments matériels ont été retenus.

Les prévenus dans la salle d'audience, le 26 mai 2014.Les prévenus dans la salle d'audience, le 26 mai 2014. © Roxana Olivera

Dès la première audience, le tribunal a rejeté la demande d’audition de l’ancien président de la République, Alan García, de son premier ministre, Yehude Simon et de sa ministre de l’intérieur, Mercedes Cabanillas. L’a

via www.mediapart.fr

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