Les laboratoires Servier, fabricants du Mediator, étaient présents jeudi 19 mars au tribunal de grande instance de Paris, non comme mis en examen, mais comme partie civile dans une procédure en diffamation. Le groupe pharmaceutique poursuit France Télévisions à la suite d’un reportage, réalisé par Jean-Pierre Métivet, diffusé en 2011 dans l’émission « Envoyé Spécial », intitulé « L’Affaire du Mediator ». Plusieurs médecins ou fonctionnaires de santé publique y font état de menaces et de pressions exercées par le groupe Servier, visant à nier les risques du Mediator et de l’Isoméride, coupe-faim produit par le même laboratoire.
Georges Chiche, auditionné au Sénat en 2011. © DR
Comme on pouvait s’y attendre, Servier conteste formellement avoir exercé de telles pressions et s’estime diffamé par l’émission. D’où la procédure, dans laquelle sont mis en examen Rémy Pflimlin, PDG de France Télévisions, Jean-Pierre Métivet ainsi que sa collègue, Ghislaine Chenu. Il reste que l’audience du 19 mars a mis en évidence une stratégie d’intimidation exercée de manière constante par le laboratoire depuis une vingtaine d’années, et qui se poursuit aujourd’hui. Cette stratégie avait pour but premier d’empêcher que soient reconnus les dangers du Mediator. Dans la période récente, un deuxième objectif est apparu : chercher à atténuer la responsabilité du laboratoire pour s’opposer à l’indemnisation des victimes.
L’exemple de Georges Chiche, cardiologue à Marseille, illustre de la manière la plus claire les pressions de Servier. Chiche a été le premier médecin à signaler, en 1999, un cas de valvulopathie cardiaque associée au Mediator. Il s’est retrouvé sur le bancs des prévenus aux côtés des journalistes de France Télévisions, pour avoir raconté son histoire dans le reportage d’« Envoyé spécial ».
Elle est édifiante. Début 1999, Georges Chiche observe qu’un de ses patients est atteint d’une fuite d’une valve cardiaque. Il apprend que son patient a pris du Mediator. Or, le cardiologue a été alerté depuis 1997 du risque de valvulopathie associé à l’Isoméride, qui a fait l’objet d’un article célèbre dans le New England Journal of Medicine. Cet article a identifié aux États-Unis une série de cas de valvulopathies liés à la prise de fenfluramine, la molécule active de l’Isoméride et du Ponderal, deux coupe-faim de Servier. À la suite de quoi les deux produits ont été retirés du marché américain et international. Mais pas le Mediator, qui n’était pas vendu aux États-Unis et que Servier a présenté comme un produit totalement différent de l’Isoméride, bien que sa molécule, le benfluorex, en soit très proche.
via www.mediapart.fr