L’obscénité du pouvoir – à propos de « Le retour du Prince » de Roberto Scarpinato

Exceptionnel livre du magistrat anti-mafia italien Roberto Scarpinato, Le Retour du Prince ressort en librairie cette semaine, dans une nouvelle édition dont j’ai assuré la préface, à la demande l’éditeur, La Contre Allée. Je la publie ici pour vous inviter à lire cette réflexion indispensable sur le pouvoir et la criminalité. Et vous donne aussi rendez-vous à Arras, jeudi 30 avril, pour un débat avec Scarpinato, à l’ouverture de Colères du Présent, Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale (le programme est ici).

Au début de l’année 2015, l’ONG Oxfam, qui entend combattre la pauvreté dans le monde, nous obligeait à regarder ce que nous ne voulons pas voir : l’inégalité incommensurable que produit la marche insensée de nos sociétés avides, matérialistes, consommatrices et égoïstes, où la compétition et l’accumulation deviennent le seul idéal de vie, au détriment de la solidarité et de la fraternité, de la précaution et de la générosité.

A partir de données ouvertes, produites par les milieux financiers eux-mêmes, Oxfam démontrait que les richesses des 80 individus les plus riches du monde sont désormais équivalentes à celles détenues par les 50% les moins bien lotis de la population mondiale. Autrement dit, 3,5 milliards d’habitants de notre planète se partagent les mêmes richesses que ces 80 personnes immensément fortunées. Ce rapport de l’ONG, dont ce n’est là qu’une des accablantes démonstrations, était ainsi intitulé : « Insatiable richesse : toujours plus pour ceux qui ont déjà tout ».

Ce monde-là, le nôtre, court à la guerre comme des somnambules iraient à l’aveugle vers des précipices. Il court à la guerre de tous contre tous pour échapper à ses responsabilités, pour fuir les injustices invivables dont il est comptable, pour étouffer sous des guerres d’identités, de civilisations et de religions l’exigence radicale d’égalité et de justice qui pourrait l’obliger à remettre en cause ses dominations, ses prévarications, ses corruptions.

Le livre que vous tenez entre vos mains dit la vérité de ce monde, en dévoilant ses impostures et ses mensonges. C’est le livre d’un juste et d’un héros. D’un juste par devoir, d’un héros par nécessité. D’un homme qui, d’expérience vécue, sait que ce monde irresponsable est aussi un monde criminel. Un monde où le crime s’épanouit, se légitime, s’étend et se répand sous l’apparence de la notabilité et de la respectabilité. Parce que c’est un monde où le pouvoir politique et l’avoir financier ont renoncé à la durée et à la complexité, vivant dans un présent immédiat où seul compte le profit et la survie, donnant la priorité à l’urgence sur l’essentiel plutôt que de faire de l’essentiel l’urgence. L’essentiel, c’est-à-dire : les questions démocratiques, sociales, écologiques, celles dont dépend le vivre ensemble d’humanités réunies autour de leurs causes communes.

Extraordinaire réflexion à haute voix d’un praticien de la justice italienne, Le Retour du Prince est un livre incontournable pour comprendre pourquoi le mot mafia est devenu le vrai nom commun de notre monde dérégulé, ce monde sorti de ses gonds dont la « mafiosiation » est le ressort caché, sans frontières géographiques ni sociales. Un monde où le conflit d’intérêts, cette prolifération des intérêts

via blogs.mediapart.fr

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