Sous le chapiteau installé près de la porte Maillot dans les quartiers chics de Paris, le spectacle se joue pour les fêtes tous les jours en matinée et en soirée, avec passion et maestria, comme un pied de nez aux agressions racistes qui ont ponctué les semaines passées.En coulisses, l’orchestre se lance. Vif-argent. Cent pour cent tzigane. Et c’est parti pour une heure et demie sous les projecteurs. Pendant toute la période des fêtes, le cirque Romanès se produit en matinée et en soirée, tous les jours, sous son chapiteau rouge, à deux pas de la porte Maillot, dans le 16e bon chic bon genre de la capitale. À l’affiche, La lune tzigane brille plus que le soleil, et samedi après-midi, le public venu nombreux et en famille n’a pas boudé son plaisir. Avec raison. Comme un retour aux sources de l’artisanat circassien. Avec jongleurs, danseuses et autres acrobates qui rivalisent d’adresse. Et quelques belles performances. Imaginez par exemple de grimper sur un poteau semblable à ceux sur lesquels les pompiers glissent dans les casernes pour arriver plus vite au garage des camions rouges. Chez les Romanès, la demoiselle monte au poteau, chaussée de hauts talons… Une de ses sœurs s’élance dans les airs et virevolte sans filet. Une autre préfère garder les deux pieds sur la piste pour manœuvrer deux cordes de feu dont on n’entend plus dans le silence revenu que le sifflement diabolique de plus en plus rapide.
Des agressions à caractère raciste
Les garçons, les cousins, comme l’on dit ici, ne sont pas en reste. Pour lancer des chapeaux en l’air, s’étourdir dans d’énormes cerceaux, ou se transformer en funambules au bout d’une corde. Les autres sont au saxo, au violon à l’accordéon, etc. Et tout cela s’articule dans un joyeux désordre, pas si désorganisé que cela. Quand Alexandre Romanès, à la fois meneur de troupe et concepteur du spectacle avec Délia, son épouse et chanteuse, glisse en aparté que « lorsque mes filles entrent sur la scène, je ne sais pas bien ce qu’elles vont faire », on n’est pas entièrement obligé de le croire. Même si ce n’est sans doute pas tout à fait faux, et si ce n’est pas par hasard qu’il cite son ami Jean Genet, qui disait « s’arranger toujours pour qu’il y ait du désordre ». De fait, le même spectateur assistant à deux séances ne verra pas exactement la même chose. « Si tout est figé, très vite, ça manque de vie », insiste-t-il. Ainsi, le numéro avec deux matous peut être donné ou pas, c’est selon. Et ce n’est pas la peur des félins qui fait reculer Alexandre, lui qui dans sa jeunesse a dompté des fauves, mais plutôt le souci de faire tourner la piste selon l’humeur du moment.
Cette année, le cirque Romanès propose aussi Folie tzigane en zone libre, pour une seule soirée, puisque c’est le titre donné au réveillon du 31 décembre, avec spectacle, dîner, soirée dansante jusqu’à l’aube, avec toute la troupe et des invités surprises. Un réveillon qui devrait aussi contribuer à resserrer des liens de solidarité autour des Romanès, en butte depuis des mois à des menaces et des agressions à caractère raciste. Pas plus tard que la semaine dernière, c’est la voiture d’un des musiciens qui a été saccagée. Il y a plusieurs semaines, des caravanes du cirque ont été dégradées, les circuits électriques détruits, des costumes de scène volés, jusqu’à une manifestation sur place, organisée par des militants se revendiquant de la droite extrême. L’implantation du chapiteau, proposée par la mairie de Paris, sur cet espace jouxtant le bois de Boulogne ne semble pas du goût de certains résidents de ce secteur où les immeubles et autres demeures se dissimulent derrière de lourdes grilles et d’épais buissons. E
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