Les élites françaises, entre 1940 et 1944, note 2 : de la Synarchie à l’action militaire concertée, la Haute Trahison, jamais relevée comme telle et…

Dans la 1ère note consacrée à cet ouvrage, nous en avions prévenu les futurs lecteurs et lectrices : il faut accepter de supporter le vertige, avec de telles révélations et mises en perspective. Il en va ainsi notamment avec les «militaires» français, et, évidemment, on n’entend pas ici désigner les hommes de troupe, les civils devenant soldats du jour au lendemain mal équipés, mal dirigés, envoyés à une nouvelle boucherie. C’est que les soldats de la campagne de 1940 ne se sont pas échappés, bien au contraire, et à la différence de tant de dirigeants militaires, qui pour certains même, couraient dans le même sens que l’agresseur nazi, parce qu’ils en étaient les complices, les amis. Pour une armée qui comptait près de 2 millions de soldats, ce sont 100.000 engagés qui ont péri pendant les combats, lesquels ont été très durs, et, pour l’agresseur nazi, très difficiles, contrairement à ce que l’historiographie officielle répétait mécaniquement depuis la Libération. Il faut lire ces constats, établis par des plumes dont les consciences ne sont pas marxistes., de Charles de Laubier à un chef de bataillon, Patrice Huiban, jusqu’à Roland Hureaux, dans son texte «Une réhabilitation de l’armée française de Mai-Juin 1940», dans lequel il écrit : «L’imposture du régime de Vichy ressort avec assez d’évidence de ce livre:  les mêmes hommes qui portent presque entièrement la responsabilité du désastre prennent le pouvoir le 17 juin 1940 . Comment Pétain qui, certes n’avait plus de commandement effectif, mais depuis vingt  ans faisait et défaisait les  carrières,  a-t-il pu apparaître alors  comme le sauveur ? Comment Weygand, après sa nomination  à la tête des armées  le 19 mai  1940,  et qui dès le 25 mai se déclarait partisan de l’armistice, put-il mener de front la conduite de la guerre  et  la  préparation du changement politique ? Comment le général Huntzinger, responsable de la charnière des Ardennes où il avait refusé des renforts  début mai,  put-il se retrouver ministre de la guerre ? ( Le comportement du général Giraud sur le front du  Nord avait en revanche  été exemplaire.) Poussant plus loin encore le mensonge, les mêmes responsables  imputèrent la défaite, non point leurs propres défaillances, mais  aux  vices et à la décadence morale des français dont le Front populaire avait été, selon eux,  l’expression. Une rhétorique morale fallacieuse qui devait non seulement  discréditer pour des décennies tout discours moral, mais encore être pris à la lettre par les générations ultérieures et l’opinion internationale. » Hélas, cet éclair de lucidité, rare de ce côté du champ politique, retrouve vite ses accusations classiques, pour associer «l’extrême-gauche» (traduisez, «Les Communistes), aux traîtres pétainistes, «Il est indispensable de connaître et faire connaître ce livre, y compris  dans nos écoles. Au cours du dernier demi-siècle, la rhétorique défaitiste de Vichy et  l’anti-patriotisme  d’extrême gauche se sont conjugués avec l’esprit de dénigrement anglo-saxon pour refouler le souvenir du  comportement courageux de l’armée française en mai et juin 1940». On voudrait bien savoir qui, où, et quand, «l’extrême gauche», donc, les communistes, auraient nié le comportement courageux, alors que celui-ci a été le fait des CITOYENS ENGAGES DE FORCE, et que, en effet, les travaux des historiens démontrent de manière certaine la volonté au combat face à l’agresseur nazi. Reste qu’il faut saluer les lignes précédentes, qui sont «historiques» : un gaulliste reconnaît clairement les responsabilités des dirigeants militaires, alors que, depuis la Libération, le récit national gaulliste s’était concentré sur la «supériorité de la force mécanique» teutonne, pour, là aussi, dédouaner des militaires, donc des amis, d’une responsabilité qui pouvait donc être allée jusqu’à la trahison. Aux intuitions de Marc Bloch, Annie Lacroix-Riz apporte des preuves irréfutables, et gravissimes. Car ce sont ces hommes-là qui ont eu le plus de responsabilité théorique et pratique dans la défaite de 1940 et qui en furent les plus protégés, notamment à l’occasion de la pseudo «épuration». Un grand nombre parmi les plus influents dirigeants des armées françaises a fait partie, et, au minimum, a été sympathisant, de la Cagoule, le visage organisé de la Synarchie, Cagoule qui a tenté et raté un putsch contre la République en 1937. Mais ce qui a été raté en 37 réussit trois ans plus tard. Il faut dire que les amis des rares emprisonnés ont agi pour, d’un côté, rendre impossible toute alliance effective entre la France et l’URSS, et de l’autre, contribué à la défaite, à quelque niveau que ce soit. Leur projet de dictature militaire était connu des nazis, et Abetz, leur représentant le plus important à Paris avant la guerre et pendant la guerre, «brocarda en décembre 1940 la tentative de généraux vaincus, tous Action Française, «d’ériger, avec le prestige du vainqueur de Verdun, une dictature militaire à laquelle l’Église prêt(ait) son aide la plus empressée». C’est «l’état-major de l’armée »qui «dirigeait la Cagoule militaire, (…) groupant 12000 officiers, sur un total de 120.000 cagoulards pour toute la France, répartis en 40 légions». En septembre 1938, le chef d’état major de l’armée, Louis Colson, en visite privée chez son ami, attaché militaire allemand, Erich Von Kühlental, entendait rassurer celui-ci en lui disant que toute mesure de défense française ne visait qu’à «tranquilliser et neutraliser la population». La consanguinité de ce petit milieu était évidente (et aujourd’hui?), avec une origine et appartenance à une «aristocratie» la plus prétentieuse et violente, avec des familles prétendant relever de la «noblesse d’épée». Les prétendus «seigneurs» nazis retrouvaient donc leurs cousins «seigneurs francs», avec lesquels ils allaient s’entendre comme larrons en foire, pour assassiner parmi tous celles et ceux qui n’appartenaient pas à leur caste. Avec eux, prend tout son sens l’expression d’une collaboration active, et on dirait aujourd’hui hyper-active ! : «Il n’y a, dans l’ivresse des acquis intérieurs de la Débâcle et des espérances anglophobes, presque pas d’exception, même chez ceux dont la germanophilie fraîchit le plus tôt. Le consentement à l’espionnage et au pillage des colonies dura presque partout jusqu’en 1942, et même au-delà (comme la Tunisie) conservés par le Reich et Vichy». Il faut donc là aussi et encore, accepter de découvrir des figures, d’entendre des noms, qui, tous, ont mérité, par leurs actes, leurs crimes, un procès et une condamnation, lorsque la fin de la guerre sera venue, et qui y échapperont par un réseau de complicités au sein du «nouvel» Etat qui se met en plac
e : il y a par exemple Eugène Bridoux, le secrétaire à la Guerre, puis sous-secrétaire à la Défense Nationale ; l’amiral Charles Platon, le général d’aviation Jean-François Janneckeyn, le général Joseph Delmotte, Charles Huntziger, le pathétique Weygand, le général Charles Noguès (qui ira se protéger chez le 2ème dictateur fasciste d’Europe de l’Ouest de l’après-guerre, dans le Portugal de Salazar, quand tant d’autres trouvèrent refuge dans l’Espagne de Franco), le général Henri Dentz, le général Juin (modèle d’adaptation aux circonstances et aux rapports de force). Avec «la mission Desloges», la haute trahison est établie clairement : l’armée française donne son concours à une répression criminelle. La mission, dont la réputation est qu’elle fut très limitée et de faible intérêt, visait au contraire à établir un cheval de Troie au sein de la zone sud, dans la prévision de son envahissement, et cet objectif fut atteint, par l’assistance de l’armée française. Celles et ceux qui consulteraient à ce sujet la page Wikipédia qui lui est consacrée doivent savoir qu’ils ne trouveront rien de sérieux et de profond à propos de cette «mission» sur la dite page, mais auront un exemple de plus de la superficialité, voire de la nullité, de cette pseudo «encyclopédie», véritable organe de propagande capitaliste, dont il faudra parler par ailleurs. Sur ce sujet et d’autres (comme la Cagoule/Synarchie, etc), les champs ouverts par les travaux et les découvertes d’Annie Lacroix-Riz exigent des travaux à réaliser par les futurs chercheurs – s’ils le peuvent…, et par les futures générations, lesquelles devront faire la synthèse des connaissances de l’historiographie scientifique, seule et seules susceptibles de permettre un «récit du roman national» entièrement décolonisé de l’influence et des mythes des élites sur elles-mêmes. Sur ce sujet, les militaires français collaborateurs, avant et pendant la guerre, comme sur le sujet des clercs chrétiens, des précédents ouvrages d’Annie Lacroix-Riz exposent plus de connaissances et de détails. Cet ouvrage est lui consacré au passage de la dévotion de ces élites pour le tuteur nazi puis la dévotion de ces mêmes élites pour le tuteur made in USA, dévotion pour les mêmes raisons et avec la même «réussite». Et il faut rappeler que si nous nous sommes libérés de l’occupation nazie, dans des conditions extrêmement dramatiques et difficiles, par les efforts et les «sacrifices» de millions de femmes et d’hommes sur le continent, nous ne nous sommes pas du tout libérés de l’occupation américaine, au contraire. En France, il y a toujours eu les larbins des puissances aveugles et inhumaines, et les autres. Pour ceux-ci, les travaux et les connaissances nouvelles offertes par Annie Lacroix-Riz nous permettent de changer tant notre conscience de la mémoire nationale que le récit même de cette Histoire, et d’une manière radicale. Evidemment, il ne faut pas s’attendre que les héritiers et héritières volontaires de ces responsables et coupables l’acceptent et nous aident, au contraire. Il nous appartient donc de ne pas nous contenter de ces partages, si nous voulons faire entendre la voix des innocents et des justes qui, avec la vie, l’ont perdu, la voix, et à l’égard desquels nous avons donc un devoir de mémoire, total. Quand on constate que, sur une prétendue «encyclopédie», qui, comme d’autres, exploite les données offertes par des milliers de rédacteurs, prétend à une relative mais certaine «objectivité», dans la page consacrée à la «synarchie», et donc à ce complot historique contre la République, un des «auteurs» juge, en trois phrases (1), le sujet, en reprenant à son compte la conviction personnelle d’un «historien», opinion détachée de tout fondement solide, l’inexistence et de la dite synarchie et du dit complot, on mesure que «tout se tient», et que ce n’est pas à une fatalité que nous avons à faire, mais à une organisation qui a sa cohérence, que nous appelons «capitalisme» et qui, en matière d’Histoire, est obligé de réécrire, modifier, truquer, cette Histoire, tellement les crimes et les désastres commis par et pour ce capitalisme sont nombreux, édifiants, terrifiants. S’y ajoute, comme avec le «point Godwin», le complot contre les complots, à savoir cette dénonciation, par généralisation, de celles et ceux qui prétendent voir, constater et mettre en cause, tel ou tel «complot». L’anti-complotisme en soi est le pendant idiot du complotisme systématique. Il ne s’agit pas de voir des complots partout ni de nier qu’il en existe, puisqu’il y en a eu. Et c’est officiel. Citons en deux : le complot par les Nazis (point godwin, point godwin, répètent à l’envi les extrémistes de droite et leurs jouets, qui veulent interdire toute référence à la seconde guerre mondiale), reconnu et condamné comme tel, avec le procès de Nuremberg, et le complot américain pour pouvoir engager une guerre contre l’Irak de Saddam Hussein, en trompant tous les citoyens du monde avec de fausses preuves sur les armes de destruction massive. Même les officiels américains reconnaissent, tranquillement, avoir bidonné leurs «preuves». Il s’y ajoutera bientôt, avec les mêmes procédés, deux autres complots du même pays, contre la Libye, et la Syrie. C’est pourquoi il faut acter que les militaires français de haut niveau ont été des complices de ces militaires allemands et de leurs chefs nazis, dans ce complot, ce plan de guerre. Dans ce plan, la défaite de la France était une condition sine qua non, pour pouvoir engager, ensemble, une guerre dans toute l’Europe, contre l’Union Soviétique principalement, et contre le reste du monde. Désormais, grâce aux travaux d’Annie Lacroix-Riz, toute la chaîne des faits et des preuves est à notre disposition.

 

(1) Dans ses ouvrages, l'historienne marxiste-léniniste Annie Lacroix-Riz tente d'accréditer la théorie du complot synarchique en affirmant que « les synarques » n'auraient pas eu pour but de ruiner la Révolution nationale du maréchal Pétain mais représenteraient les intérêts de groupes financiers et d'organismes patronaux liés à des groupes ou organismes allemands souhaitant comme leurs homologues d'outre-Rhin l'instauration d'un régime fasciste30. Cependant, « [l']analyse historique [d'Annie Lacroix-Riz se] trouve trop limitée » par le « caractère engagé » de son travail, « le parti pris doctrinaire adopté par l'auteur fragilise son argumentation ». Ainsi, les considérations de Lacroix-Riz sur le personnel politique français de 1940 « témoigne en particulier des a priori de l'auteur dans le but d’étayer son postulat de départ »37. Auteur de l'étude La Synarchie, le mythe du complot permanent, l'historien Olivier Dard observe que les ouvrages d'Annie Lacroix-Riz sur le sujet relèvent « d'un discours anticapitaliste d'extrême gauche qui instruit à travers la synarchie le procès traditionnel du « grand capital » et des élites38. »

 

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