Le piège caché de l’accord de libre échange Europe Etats-Unis – Page 1 | Mediapart

De notre envoyé spécial à Bruxelles.  Après la catastrophe de Fukushima en 2011, l'Allemagne annonce l'arrêt définitif de ses centrales nucléaires dans les dix ans à venir. Un groupe énergétique suédois, Vattenfall, propriétaire de deux centrales nucléaires dans le pays, s'indigne : à ses yeux, cette décision menace ses profits à moyen terme. En mai 2012, l'entreprise lance une procédure en justice contre Berlin, devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), basé à Washington.

Vattenfall réclame 3,7 milliards d'euros de dédommagement aux autorités allemandes, pour compenser les pertes à venir. Le groupe s'appuie sur un texte précis, signé notamment par la Suède et l'Allemagne : le traité énergétique européen, entré en vigueur en 1998, qui garantit aux investisseurs étrangers des « conditions stables » pour leurs investissements. En résumé : une entreprise poursuit en justice un État, pour des décisions prises au nom de l'intérêt public, parce qu'elles menacent sa rentabilité. La bataille juridique est lancée, l'issue incertaine. Bienvenue dans le monde merveilleux de l'arbitrage entre « État » et « investisseur ».

L'une des centrales nucléaires de Vattenfall en Allemagne, en 2013. © Reuters.L'une des centrales nucléaires de Vattenfall en Allemagne, en 2013. © Reuters.

Ces mécanismes, qui voient s'affronter des groupes privés et des exécutifs démocratiquement élus, se sont multipliés ces dernières années. Inconnus du grand public, ils répondent à un sigle que seuls les spécialistes en droit du commerce international, et certains réseaux d'activistes, connaissent bien : « ISDS » (mal traduit en français: « règlement des différends entre investisseurs et États »).

La plupart des accords de libre-échange conclus dans les années 2000 contiennent un volet « ISDS ». Leur objectif est simple : offrir le maximum de garanties juridiques à des entreprises privées, pour les encourager à investir dans des pays étrangers.

En tout, plus de 3 000 traités internationaux intègrent ce type de clauses. L'an dernier, 274 litiges de ce genre ont été tranchés, selon les chiffres des Nations unies (43 % en faveur des États et 31 % pour les investisseurs, le reste à l'amiable). Et quand l'État perd, c'est l'argent du contribuable qui est versé à l'entreprise… Des milliards de dollars de compensations financières sont en jeu chaque année.

La procédure, complexe, pourrait, à l'occasion de la campagne pour les européennes, arriver jusqu'aux oreilles du grand public. Car elle constitue l'un des piliers les plus contestés de l'accord de libre-échange en chantier, entre les États-Unis et l'Union européenne (dont l'un des sigles, toujours en anglais, est le « TTIP »). Les négociations entre Bruxelles et Washington ont commencé en juillet 2013, mais sont encore loin d'avoir abouti – si elles aboutissent un jour. Mais ce sont bien les eurodéputés élus fin mai qui auront le dernier mot sur le texte, et pourront le valider, ou le rejeter, une fois l

via www.mediapart.fr

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