"Les intermittents du spectacle : enjeux d’un siècle de luttes", par Mathieu Grégoire from Les Films de l'An 2 on Vimeo.
Mathieu Grégoire est maître de conférences à l’Université de Picardie. Il est co-auteur avec Olivier Pilmis du rapport « Quelle indemnisation chômage pour les intermittents du spectacle ? Modélisation et évaluation d'un régime alternatif », commandé par le Syndéac, le syndicat des entreprises artistiques et culturelles, et auteur de Les Intermittents du spectacle – Enjeux d’un siècle de luttes, publié aux éditions La Dispute.
Est-il inexact de dire que le système des intermittents est « à bout de souffle », comme l’a affirmé Manuel Valls lundi matin ?
Ce qui est surtout à bout de souffle, c’est le paritarisme. Il y a un vrai déni de démocratie dans ces négociations entre syndicats et patronat. Certes, l’accord du 22 mars sur l’assurance-chômage est majoritaire. Mais un deal majoritaire ne suffit pas à fonder une légitimité démocratique. Sans revenir sur l’affaire des enveloppes de M. Gautier-Sauvagnac (l'ancien dirigeant de la puissante Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), a été condamné en février dernier à trois ans de prison, dont deux avec sursis dans l'affaire de la « caisse noire » de la fédération patronale), dont il faut rappeler qu’il est l’homme qui avait signé l’accord sur l’intermittence de 2003, on voit bien que le Medef a encore une culture démocratique balbutiante.
Formellement, il y a bien un accord majoritaire. Mais est-il démocratique, avant de réformer, de ne consulter personne surtout pas les premiers concernés ? Est-il démocratique de totalement ignorer l’immense travail des parlementaires qui ont réfléchi pendant deux ans aux contours d’une réforme et ont, eux, auditionné des centaines de personnes ? Est-il démocratique de prendre des décisions pour des millions de Français et de refuser de venir s’en expliquer dans les médias ? Est-il démocratique de considérer qu’un gouvernement élu n’a pas son mot à dire dès lors qu’un accord a été trouvé entre le Medef et ses partenaires ? Est-il démocratique que le rapport de la Cour des comptes sur les intermittents soit supervisé par Michel de Virville, qui a présidé l’Unedic comme représentant du Medef ?
AG des intermittents lundi 9 juin à la Villette. © La Parisienne Libérée
Ce système paritaire est donc à revoir. Le paritarisme n’a pas toujours existé et les salariés n’ont pas nécessairement besoin du Medef pour gérer leurs caisses d’assurances sociales. De 1945 à 1967, les caisses de sécurité sociale étaient gérées par des administrateurs salariés sans que le patronat n’ait son mot à dire. De ce point de vue, la menace du Medef de quitter la gestion de l’Unedic si l’accord n’est pas agréé n’est que du bluff, car il n’a rien à y gagner.
Même si on estime le « coût » de l’indemnisation des intermittents à 320 millions d’euros, il est limité si on le compare aux 20 milliards d’euros promis aux entreprises à travers le CICE (Crédit impôts compétitivité emploi). Pourquoi le gouvernement ne réussit-il pas à faire céder le patronat sur les intermittents alors qu’il le choie par ailleurs ?
via www.mediapart.fr