C’est vers 14 heures, vendredi après-midi, que les manifestants ont investi le siège du gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, à Sarajevo. Dossiers et ordinateurs ont valsé par les fenêtres avant que le feu ne soit mis au bâtiment. Deux heures plus tard, des flammes jaillissaient aussi de l'immeuble de la présidence collégiale de l’État. L’immense foule massée sur le plateau de Skenderija, en plein centre de Sarajevo, bloquait les pompiers, qui se sont vite résolus à faire demi-tour.
Le siège de la présidence incendié à Sarajevo, vendredi. © (dr)
En milieu d’après-midi, les gouvernements des cantons de Tuzla et Zenica étaient également en flammes, tandis que des manifestations étaient recensées dans une bonne vingtaine de villes du pays – y compris en Republika Srpska, « l’entité serbe » de Bosnie-Herzégovine. La mairie de Tuzla a également été incendiée, alors que certaines unités de policiers antiémeutes, déployées pour la défendre, fraternisaient avec les manifestants.
Si les centres de Sarajevo et de Tuzla ressemblaient à de véritables champs de bataille, ailleurs, les policiers, débordés, n’ont souvent pas même tenté de s’opposer aux manifestants. Partout, une seule revendication fédère les colères : qu’il s’en aillent tous. Les manifestants réclament en effet la démission de tous les responsables politiques, des maires, des députés, des gouvernements cantonaux, du gouvernement de la Fédération et de celui de l’État central… « Cela fait vingt ans que l’on dort, il est temps de se réveiller », répètent les manifestants.
Le mouvement est parti mercredi de Tuzla, la grande ville industrielle du centre de la Bosnie-Herzégovine, quand quelque 600 chômeurs se sont rassemblés devant le siège du gouvernement cantonal. Ils ont été rejoints par des jeunes, rassemblés par les réseaux sociaux, et surtout par les travailleurs d’entreprises privatisées récemment mises en faillite. En effet, Tuzla, bastion électoral du Parti social-démocrate (SDP), était autrefois un grand centre industriel. Cette ville de 150 000 habitants a d’ailleurs toujours conservé une culture « yougoslave » du vivre ensemble entre les différentes communautés nationales, même durant la guerre.
Au cours de la dernière décennie, les entreprises publiques, qui employaient la majorité de la population, ont été privatisées sous le contrôle de l’Agence cantonale pour la privatisation. Or, ces derniers mois, les nouveaux propriétaires des entreprises Dita, Polihem, Guming, Konjuh et Aida ont vendu leurs actifs, cessé de payer les travailleurs et déposé le bilan. L’usine Dita, qui fabrique des détergents, employait 750 personnes : son nouveau propriétaire avait omis de payer les cotisations sociales, si bien que les anciens employés se retrouvent à la rue, privés de tous droits, une situation extrêmement banale en Bosnie-Herzégovine.
Dans ce pays, toujours sous tutelle internationale, les moindres dispositions légales sont examinées par des batteries « d’experts » locaux ou étrangers, à la seule exception du droit du travail, étrangement laissé en jachère depuis des années.
Les manifestants ont investi le
via www.mediapart.fr