Si l’histoire sert à quelque chose, c’est à nous apprendre comment changer son cours. Non qu’il soit possible, malheureusement, de revenir en arrière, mais nous avons encore la possibilité, en regardant vers l’avenir, de reconnaître les voies toutes tracées et de prendre la décision ferme et nette d’en suivre d’autres vers le monde que l’on souhaiterait faire advenir. S’il y a la moindre chance que les attaques meurtrières du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis nous apportent quelque chose, c’est dans ce sens-là, comme un appel à forger ensemble un avenir où non seulement de tels actes deviendraient inconcevables, mais où nous parviendrions à nous extraire du cycle infernal de ripostes aussi féroces qu’insensées.
En regardant vers cet avenir à partir des heures sombres du présent, un cycle du passé s’étend devant nous comme un vortex nous attirant vers l’abîme d’une violence sans fin. Car cela fait une quinzaine d’années déjà que les États-Unis, en réagissant à des attaques terroristes sans précédent sur leur territoire, mènent une soi-disant guerre contre le terrorisme. Il convient de rappeler que le contexte n’était pas si différent de celui de la France à l’heure actuelle. Les services secrets avaient été directement avertis que des attaques de ce genre se préparaient, sans que la prévention n’aboutisse concrètement. Ces attaques avaient pris pour cibles, en transformant des avions de ligne remplis de civils en missiles clandestins, les symboles les plus connus du capitalisme néolibéral mondial (les World Trade Centers) et de l’impérialisme militaire américain (le Pentagone et la Maison Blanche). L’état d’urgence fut décrété sur l’ensemble du territoire par le Président Bush, et sera renouvelé six fois par le Président Obama. Le pays n’a pas tardé à partir en guerre contre l’Afghanistan (aujourd’hui la guerre la plus longue de l’histoire des USA), puis l’Irak et d’autres pays. Le reste de l’histoire se lit maintenant comme un livre de science fiction s’efforçant de montrer que le monde de 1984 imaginé par George Orwell est derrière nous et notre intrépide XXIe siècle : le USA PATRIOT Act, le Military Commissions Act, les écoutes illégales, la collecte systématique de métadonnées et l’espionnage mondial complètement débridé, l’extradition extraordinaire (extraordinary rendition) qui est une forme de kidnapping international, l’établissement de prisons hors-la-loi comme Guantánamo et Abou Ghraib, le réseau mondial de prisons secrètes, la prolifération époustouflante de la torture permise par la redéfinition sournoise des actes de torture par l’Office of Legal Council, les attaques en règle contre lanceurs d’alerte et dissidence politique, l’expansion radicale de la guerre des drones et donc des frappes contre des civils, la « liste d’assassinats [kill list] » permettant au président américain de faire tuer n’importe quel suspect, n’importe où, sans poursuites judiciaires ni procès. En dressant un bilan de ce début infernal du XXIe siècle, il ne serait peut-être pas infondé de dire que les États-Unis ont répondu à ce qu’ils ont perçu comme le terrorisme mondial, à savoir le terrorisme sur leur sol, par une mondialisation de la terreur.
Après une quinzaine d’années de cette guerre sans frontières et sans limites menée par les forces américaines et leurs alliés (dont la France), une chose devrait être claire : les interventions militaires à l’étranger, l’hyper-sécuritisme sur le territoire national, et le nationalisme sans bornes ne favorisent pas du tout la fin du terrorisme. Et pour cause. En refusant de reconnaître que le terrorisme est, en partie, le produit de guerres – militaires, évidemment, mais aussi économiques, sociales et « cultur
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