La Collaboration sort des Archives (mais censure des spécialistes de la collaboration économique) – Libération

Commençons par une image : une photographie jamais vue de Pétain, Laval et Bousquet sortant ensemble du Conseil des ministres du 3 juillet 1942 dans la cour de l’hôtel de Sévigné. Pierre Laval vient d’annoncer au gouvernement l’organisation prochaine de la rafle du Vél d’Hiv et la participation de l’Etat français à cette opération, laquelle aura lieu deux semaines plus tard. Image saisissante que les commissaires scientifiques de l’exposition, Denis Peschanski et Thomas Fontaine, ont dénichée dans un carton avec un mélange d’ahurissement et de «plaisir». Oui, de plaisir, car quiconque s’est plongé un jour dans des archives sait quelle joie procure l’exhumation d’une pièce inconnue. L’expo elle-même, bien que remuant des événements dramatiques, procure au visiteur un même sentiment de jouissance, celui de la révélation et de la surprise, sans lequel on hésiterait à s’avancer bien loin dans ce parcours muséographique bordé de panneaux noirs – quoiqu’à la scénographie élégante -, qui ressemble singulièrement à un tour de train fantôme.

Pièce inédite, parmi beaucoup d’autres : une série de photos prises à la préfecture de Tours, montrant Pétain, Laval et Otto Abetz (ambassadeur de l’Allemagne à Paris pendant la guerre) discutant aimablement quelques heures avant la fameuse entrevue de Montoire (Loir-et-Cher) qui réunira le maréchal et Hitler le 24 octobre 1940. Six jours après cet entretien avec le Führer, Pétain fera un non moins célèbre discours où il déclarera : «J’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration.»

Régime fasciste à la française

Dès les mois qui ont suivi, le mot «collaboration» – de même que son raccourci – a pris l’acception qu’on lui connaît aujourd’hui. Comment tout cela s’est-il mis en place ? Quelles ont été les différentes formes de la Collaboration ? Quels furent les rôles respectifs des autorités françaises, des Allemands et des collaborationnistes – qui, comme Marcel Déat et Jacques Doriot, rêvaient d’un régime fasciste à la française calqué sur celui des nazis ? L’exposition, organisée en salles thématiques, en donne une vue d’ensemble, vertigineuse. La collaboration des polices contre les résistants, les Juifs et les francs-maçons. La compromission de certains artistes, écrivains et médias (1). La collaboration économique. Les collaborationnistes parisiens et leur terrifiant folklore. Le régime de Vichy et la «révolution nationale». La Milice de Joseph Darnand. Bref, un panorama en trois dimensions des errements les plus tragiques.

Tout cela ne pourrait être qu’un

via www.liberation.fr

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