C’est en effet l’Institut d’économie industrielle (Idei), ancêtre de la Toulouse School of Economics qui, au début des années 90, a avancé en éclaireur, en nouant des partenariats avec des entreprises pour créer et financer une fondation abritant des enseignants- chercheurs disposant de compléments de salaire par rapport aux rémunérations publiques et couvrant de nouveaux secteurs de recherche, souhaités notamment par les entreprises. Ou alors pour financer directement une chaire d’enseignement spécifique.
Marchant sur ces brisées, de nombreuses universités ont créé à leur tour des structures semblables, profitant de financements publics mais aussi de capitaux privés. Aux quatre coins de la France, des fondations ont donc vu le jour ou des chaires financées par le privé ont éclos. Mais dans cette « financiarisation » de l’enseignement de l’économie, Toulouse a toujours gardé cent coudées d’avance sur les centres rivaux.
Le drame, c’est que le processus est invisible ; il est souterrain. Tous les nouveaux centres qui prospèrent affichent l’ambition d’être des pôles d’excellence. Et tous les critères de validation, propres à toute recherche scientifique, sont scrupuleusement respectés. Mais le monde de la finance s’est introduit, si l’on peut dire, dans le cœur du réacteur. La loi de 2006 sur la recherche, en organisant ce système de fondation financée par des fonds publics et des groupes privés voire même des mécènes, avec à la clef de très fortes défiscalisations, a brutalement accéléré cette privatisation à peine masquée de l’enseignement universitaire de pointe et de la recherche économique.
Certes, Jean Tirole conteste, bec et ongles, les effets corrupteurs de cette OPA de la finance sur le monde académique. Dans une tribune libre publiée par le journal Le Monde (11 décembre 2007), il a présenté un long argumentaire en défense de son école : « Et l’indépendance ? Bien que fortement financées par le secteur privé, les universités américaines sont non seulement des lieux de bouillonnement intellectuel intense, mais aussi des espaces de liberté extraordinaires. Peut-on craindre qu’il en soit différemment pour les universités françaises ? Je ne le crois pas. Tout d’abord, parce que, d’expérience personnelle, les entreprises respectent l’indépendance de l’Université. À l’avenir, elles financeront l’Université française collectivement pour avoir accès à des étudiants bien formés et des experts. Violer cette indépendance irait à l’encontre des objectifs recherchés. L’indépendance peut de surcroît être renforcée par la diversification des partenariats, la constitution d’un capital, le droit de publier librement, la validation des travaux par les grandes revues internationales (garantes de qualité) et la concurrence entre universités (frein aux dérives intellectuelles). »
Mais, ses arguments peinent à emporter l’adhésion car ils ne donnent qu’une faible idée de l’implosion du système universitaire qu’induisent ces partenariats déséquilibrés avec le privé. Pour en prendre la mesure, il suffit de parcourir un rapport au-dessus de tout soupçon, dont la presse n’a jamais parlé car il n’a pas été rendu public, celui que la Cour des comptes a consacré à cette école.
Ce rapport confidentiel de la Cour des comptes, le voici. On peut le télécharger ici ou le consulter ci-dessous :
via www.mediapart.fr