Inondations : l’eau a enfoncé des portes ouvertes, Frédéric Denhez rappelle les faits et vérités anthro-topologiques,

Ça y est, c’est une nouvelle inondation jamais vue ! Il en faut une par an, avec ses arbres empilés dans les rues, ses pompiers pateaugant dans la boue, ses retraités poussant la raclette, ses édiles ressortant la mine convaincue, ses victimes noyées dans leurs parkings, parce qu'elles voulurent sauver leurs voitures, en plein déluge.

Un nouveau Déluge, avec Météo France condamnée au bûcher comme avant l’on brûlait une sorcière. Avec le réchauffement climatique en guise de Providence. Comme lors des inondations de l’Argens il y a exactement un an. Toujours pareil. Alors, répétons.

 

 L’eau, comme toujours

 L’eau déborde quand elle est grosse, certes, mais surtout quand elle est corsetée, empêchée, facilitée.

Parce que rien ne freine la goutte qui glisse sur le macadam, le gazon trop ras, la terre trop tassée, l’eau de pluie dévale à toute vitesse, arrachant du limon ; elle rejoint la rivière qui vite n’en peut plus et fait ce qu’elle peut pour évacuer ce trop-plein ; elle cherche à s’épandre selon la topographie des lieux, pour qu’elle soit écrêtée par les sols ; mais les sols n’existent plus car des maisons, des routes les ont recouverts ; alors elle reste grosse, et grossit encore car elle ne peut ralentir entre ses rives bétonnées ; la boue qui la brunit finit par créer ici un bouchon, et là, un barrage avec les arbres et les branches tombées durant le printemps et que personne n’a pensé à ôter de son sillage, faute d’argent ; elle est maintenant obèse, le barrage réduit en morceaux accroît sa rage, elle est énorme, presque solide, elle est une onde amplifiée qui retrouve enfin, près de la mer, le lit qu’elle occupait depuis toujours jusqu’à ce que l’homme soit venu s’y installer. Alors l’eau pousse, arrache, retourne, force, fonce, défonce, détruit pour retrouver son calme. C’est une fois étendue en mer qu’elle retrouve le sommeil. Et l’homme ses réflexes lâches. 

 

Une région conçue par des fous 

Je connais bien l’endroit. C’est une épouvante, ce pays.

Entre Grasse, Cannes, Mandelieu, Sofia-Antipolis, Opio, Antibes et Biot, il n’y a rien. Rien de compréhensible.

Il y a des villes, et entre les villes, des centres commerciaux, des bureaux, des pépinières, des entreprises et des villas palissadées. Il y a des routes qui cheminent comme elles peuvent et sont heureuses de trouver des ronds points pour faire demi-tour. Il y a un urbanisme sans plan, sans unité architecturale, sans cohérence. Il n’y a dans ce pays nulle colonne vertébrale à laquelle l’homme ordinaire projeté innocemment ici peut se soutenir : ici est-il perdu, car il n’existe aucun repère ordinaire. Et il est seul, angoissé, car ici est le domaine de la grosse voiture. Rien ne se peut sans elle. Cette région n’a pas été conçue par des êtres vivants mais par le prix du foncier et la bêtise de l’héliotropisme. La mer rend con, surtout quand elle est au soleil.  

 

Les rivières ?

Les rivières sont enfermées dans du béton. On dirait des tranchées dans lesquelles il aurait plu. De chaque côté des routes il y a des noues qui sont profondes comme des fossés. Quand il pleut un peu vivement, les caniveaux des villes sont des ruisseaux et les plaques d’égouts suintent : les réseaux d’eau pluviale n’en peuvent plus depuis déjà longtemps.

Dans ce pays de voitures, de murs, de béton et de macadam, la végétation naturelle signale pourtant que tout est humide. La canne est en effet partout. Les saules, les aulnes, les roseaux poussent devant qui sait les remarquer. Ce pays a en vérité été conçu par des fous sur des zones humides, sur le lit de rivières furieuses. Ils ont élevé leurs horreurs sur des terres alluvionnaires, sur de riches terres agricoles.

 

Ne nous fâchons pas

via blogs.mediapart.fr

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