Ils nous préparent le meilleur des (im)mondes | L’Humanité

À la façon des alchimistes de l’Inde et de la Chine antiques ou du Moyen Âge européen, les transhumanistes désirent découvrir l’élixir de longue vie, ce breuvage qui leur donnerait l’immortalité… Mais leurs rêves de grandeur et de société parfaite, où la mort n’existerait plus, nous éclairent sur leurs objectifs, et également sur notre époque. Celle du capitalisme triomphant, où la supériorité est sans borne, et où un individu peut s’enthousiasmer sur un monde sans mort et sans enfants.

«Rendez-vous compte : il n’y au r a plu s d e vieillards, plus de malades. Et tout le monde sera beau. » Ce monde idéal est celui d’un jeune Russe milliardaire, Dmitry Itskov. Un cas intéressant, ce M. Itskov. Car ses phobies et ses désirs pathologiques en disent long, non seulement sur la société que les transhumanistes appellent de leurs voeux, mais également sur notre époque et notre monde actuels. Que deviendraient des notions pourtant si essentielles que la sagesse et l’expérience dans un monde sans vieillards ? Et sans laideur, que serait la beauté ? Dmitry Itskov, qui a fait fortune dans le paradis capitaliste des paris en ligne, décline en réalité une vision du monde plutôt terrifiante, où la mort et les enfants n’existent plus – sauf pour ceux qui le(s) désirent…

Si le mot de transhumanisme recouvre plusieurs objectifs, c’est bien la même philosophie qui le sous-tend. Car vouloir augmenter l’humain ou vaincre la vieillesse et la mort relèvent d’une même vision du monde, telle que la définit Laurent Alexandre, chirurgien et président de DNAVision (laboratoire pharmaceutique spécialisé dans le séquençage de l’ADN) : « Il s’agit d’une idéologie démiurgique (relatif au dieu qui crée le monde et constitue les êtres – NDLR). Il y a une volonté paranoïaque de rendre l’homme tout-puissant et maître de l’Univers. » Ce que M. Itskov, interrogé par « l’Obs », résume par un : « Je suis bien trop jeune pour avoir peur de la mort. Simplement, elle est inutile. » La mort, inutile ? Elle semble surtout lui faire très peur… Ce qu’il admet sans le vouloir, lâchant que « tout le monde aura le droit de vivre éternellement.

Au pied du mur, vous le ferez, car personne n’a envie de mourir. Ni vous ni moi ». Tout est dit : la mort vue comme une « envie ». Celle d’un individu « libre », tout-puissant, qui se rapprocherait des dieux immortels. Cela ne vous rappelle rien ? Au fond, le mythe d’Icare n’est pas très loin… Nul besoin d’aller jusque-là, pourtant, pour comprendre quel monde désirent les transhumanistes. Celui d’une concurrence exacerbée, où les dominants disposeraient non seulement des capitaux et des moyens de production, mais également d’un corps supérieur et d’une possibilité d’allonger la vie. À ce titre, finalement, la société qu’ils désirent n’est que l’aboutissement de celle où nous vivons : mise en concurrence permanente entre humains, domination sans partage d’une caste de privilégiés. Israël Nisand, gynécologue, professeur à la faculté de médecine de Strasbourg et président du Forum européen de bioéthique, dénonce un « discours prométhéen » et des « recherches dictées par les seules forces du marché ». Car aujourd’hui, « nous pouvons changer l’espèce humaine ». Qui pourra augmenter son audition par exemple, ou sa vision, afin de voir en haute définition ? Les riches, bien entendu. « On court le risque qu’une poignée de grands avides, pressés de sortir de leur dépouille de faibles humains, embauchent les meilleurs scientifiques du monde pour travailler à leur propre immortalité ! » Autre risque : celui d’un système de santé à deux vitesses, tel qu’il est préfiguré aujourd’hui par la mise en coupe de la Sécu. Avec le séquençage de

via www.humanite.fr

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