Hongrie : l’incarnation d’une mémoire européenne mensongère – Page 1 | Mediapart

Le fond de l'air européen est brun et la Hongrie de Viktor Orbán se veut coloriste en chef. Les législatives du 6 avril ont permis au premier ministre, fort de 45 % des suffrages exprimés, de rempiler avec les deux tiers du Parlement à sa botte. Dès le surlendemain de cette victoire, étaient relancés, à Budapest, les travaux d'un monument controversé, mis en sommeil le temps de la campagne électorale : le mémorial aux victimes de l'occupation allemande. Œuvre du sculpteur Peter Raab Parkanyi, cette allégorie néo-classique culminant à sept mètres, nantie d'un fronton et de treize colonnes, représente, pour un coût de 900 000 euros, l'archange Gabriel (l'innocente Hongrie) sur lequel fond un aigle (l'Allemagne nazie, seule et unique coupable).

Le projet du mémorial controversé de Budapest « aux victimes de l'occupation allemande ».Le projet du mémorial controversé de Budapest « aux victimes de l'occupation allemande ».

Le haut-relief était originellement intitulé « Monument dédié à la mémoire de l'occupation allemande ». Le retour du refoulé parut trop gros ! Il ne s'agissait pas d'une glorification de la Wehrmacht, même si l'extrême droite hongroise (le Jobbik ayant obtenu plus de 20 % des suffrages le 6 avril), ainsi qu'une partie des cadres du Fidesz, le parti de M. Orbán, estiment plus ou moins ouvertement que le nazisme fut bénin comparé au communisme.

Il s'agit plutôt de s'en tenir à un mythe indécrottable : la Hongrie a perdu sa souveraineté – elle fut donc ensuite politiquement et moralement irresponsable – le 19 mars 1944, date de l'entrée des troupes hitlériennes dans le pays. Une telle amputation de la moindre autorité nationale aurait duré jusqu'au 2 mai 1990, date de la session inaugurale du Parlement élu après la chute du communisme. Cette élucubration historiographique est gravée dans le marbre, puisqu'elle figure dans le préambule – « profession de foi nationale » – de la Constitution que fit promulguer Viktor Orbán en 2012.

Les Français sont bien placés pour comprendre une telle fantasmagorie, puisqu'ils ont longtemps subi la vulgate gaullo-mitterrandienne – la République fut la première victime de Pétain et n'a donc aucun compte à rendre. La supercherie ne prit fin qu'en 1995, avec le discours du Vél d'Hiv du président Chirac : « Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français. (…) Il y a une faute collective. » À Budapest cependant, le pouvoir actuel, en plus de chercher à dédouaner la Hongrie, mène une politique révisionniste

via www.mediapart.fr

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