Votre Robespierre tourne le dos aux images traditionnellement attachées au révolutionnaire arrageois. Pouvez-vous nous esquisser l’itinéraire de votre recherche?
Hervé Leuwers À l’origine du livre, il y a un bonheur d’archives. C’est la découverte, dans une collection privée et diverses collections publiques, de mémoires judiciaires inédits dans les Œuvres de Robespierre (éd. SER), qui permettaient de porter un autre regard sur le jeune avocat d’Arras ; il était donc possible, encore, de trouver du nouveau sur Robespierre ! La découverte a aiguisé ma curiosité et, par la suite, bien d’autres textes ont pu être mis au jour. Mais l’inédit ne suffit pas ; il convenait également de renouveler en partie la manière d’interroger le parcours du personnage : ne pas réduire sa vie aux années 1793-1794, ne pas céder au tout psychologique, etc. En renouvelant sources et questions, il devenait possible de renverser différentes légendes qui obscurcissent l’image du personnage, mais aussi de mettre en avant des étapes méconnues de son parcours. J’ai ainsi voulu faire le portrait renouvelé d’un homme du XVIIIe siècle, par-delà les légendes qui se sont attachées à lui dès son vivant, et plus encore après sa mort. Cela permet de redécouvrir un homme d’une complexité plus grande qu’on ne l’imagine. Un homme dont chaque étape du parcours dispose d’enjeux propres. L’avocat ou le constituant ne doit pas être compris par l’observation du conventionnel.
Vous dénoncez, en fait et en pratique, le procédé rétrospectif dans la restitution de son portrait.
Hervé Leuwers C’est un point de méthode qui me paraît essentiel. Nombre de portraits de Robespierre, particulièrement dans les années 2000, étaient des portraits rétrospectifs. Ils partaient du principe que Robespierre était l’incarnation des années dites de « Terreur », puis essayaient uniquement de comprendre comment l’homme en était arrivé là. Nécessairement, tout ce qui précédait était interprété en fonction d’une fin de l’histoire que pourtant seul l’historien connaît. Le biographe cherchait obstinément l’avocat raté et frustré, le politique humilié, l’homme dont la froideur et la rigidité décourage toute amitié, etc. N’était-ce pas là, le portrait attendu et presque naturel d’un « dictateur » ? Avec de tels a priori, l’homme s’effaçait sous la légende, et tous les enjeux spécifiques aux différentes étapes de sa vie devenaient invisibles. Or, un retour aux sources démontre que les interprétations traditionnelles sont en grande partie des constructions, qui ne s’élaborent pas uniquement sous la Convention et après la disparition de Robespierre, mais dès l’époque de l’Assemblée constituante (1789-1791) ; afin d’approcher l’homme dans sa complexité, de dépasser les légendes noires ou dorées, il faut abandonner toute lecture téléologique et revenir à l’analyse contextualisée de chaque étape de la vie du personnage.
Les biographies de Robespierre relèvent-elles toutes de ce procédé ?
Hervé Leuwers Non. Mon travail a d’abord voulu rompre avec quelques biographies récentes, qui étaient des portraits à charge (Laure
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