Quel miroir les actes de terreur au siège de Charlie Hebdo et à la porte de Vincennes tendent-ils à la société française ?
HENRI PENA-RUIZ Le terrorisme dont ont été victimes nos amis et camarades de Charlie Hebdo témoigne de la résurgence d’un fanatisme que l’on croyait appartenir au passé. Qu’est-ce qu’un fanatique ? Voltaire l’écrivait déjà dans ses Lettres philosophiques, le fanatique est celui qui ne tient aucune distance entre son être et ses croyances. Quand ses croyances sont mises en cause, caricaturées, objets de satire et de rire, il croit à tort sa personne atteinte. Dès lors, il est prêt à user d’une violence déchaînée. Le fanatisme, la violence, la barbarie ne sont pas l’apanage d’une religion. La longue histoire de l’Occident judéo-chrétien est aussi une vallée de larmes. Les bûchers de l’Inquisition en témoignent. Le grand inquisiteur espagnol Torquemada envoyait aux flammes les hérétiques auxquels il avait préalablement fait couper la langue. C’est d’ailleurs dans une lutte contre ce fanatisme religieux que sont nées la reconnaissance des droits humains, la liberté de conscience, l’égalité des droits entre croyants, agnostiques et athées. Ces principes fondateurs de la laïcité, qui sont au cœur de la République, ne sont pas nés d’une civilisation, mais d’une résistance aux préjugés que la religion catholique avait promus dans la civilisation occidentale. Par conséquent, lorsque nous défendons la laïcité et le triptyque républicain, liberté, égalité, fraternité, nous ne défendons pas un particularisme culturel. Nous défendons des conquêtes rendues possibles par le combat contre les préjugés de l’Occident judéo-chrétien, contre le patriarcat. Le fanatisme est le fait d’une toute petite minorité de croyants. D’ailleurs le fanatisme clérical de l’Inquisition a lui-même pris pour cible des croyants refusant les dogmes imposés par l’organisation ecclésiale. Les Cathares, noyés dans le sang par les croisés lors du siège de Béziers, étaient des chrétiens qui rejetaient la corruption d’une Église s’éloignant, à leurs yeux, du message originel du christianisme. Ils voulaient revenir à la pureté du message spirituel qu’ils estimaient corrompu par les privilèges temporels de l’Église catholique. En islam aussi, le fanatisme est le fait d’une minorité. Les criminels qui veulent faire de la foi la source de la loi, imposer la collusion du politique et du religieux, sont une infime minorité. L’écrasante majorité des citoyens français de confession musulmane vivent en parfait accord avec la République laïque. Dans une société qui doit assurer la coexistence des libertés individuelles, des êtres humains, nulle liberté n’est absolue. La manifestation d’une croyance religieuse doit s’inscrire dans le régime de droit qui permet à tous les êtres humains de vivre ensemble.
Quelles conditions matérielles ont permis ce retour du fanatisme religieux ?
HENRI PENA-RUIZ Dans cette mondialisation capitaliste qui détruit les droits sociaux, les services publics, privatise tout et présente ces mutations comme des fatalités, la désespérance prospère. Avec la généralisation du credo néolibéral, de nouvelles figures de la pauvreté et de la misère apparaissent, privant des pans entiers de la population des conditions minimales de l’accomplissement humain. C’est dans ce contexte que se joue la résurgence des fanatismes politico-religieux. Mais ne soyons pas mécanistes. Tous les fanatiques ne sont pas des misérables. Certains d’entre eux bénéficient des généreux financements des puissants de ce monde. N’oublions pas que l’impérialisme américain s’est longtemps accommodé de l’islamisme, dont il a encouragé le développement. Le fanatisme religieux ne peut être lu seulement comme un effet. Il faut en rechercher les causes. Sans tomber dans les explications simplistes se limitant à la dimension économique, ni dans les lectures essentialistes comme celle propos
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