France-Rwanda: l’excuse et l’enquête, par Rafaëlle Maison

Les déclarations du président du Rwanda Paul Kagamé avant et pendant la commémoration du génocide des Tutsi du Rwanda, ainsi que les réactions françaises officielles à ces déclarations, peuvent être pensées selon les catégories du droit international public, ce droit qui régit principalement les rapports entre Etats. La demande et la présentation d’excuses, tout comme la demande et l’engagement de poursuites disciplinaires ou pénales, s’inscrivent dans le droit international de la responsabilité. Excuses et poursuites contre les agents étatiques auteurs d’un illicite international constituent ainsi une forme de réparation de cet illicite, forme décrite par le terme de « satisfaction ».

L’illicite dont il est question ici est considérable. Il s’agit du génocide, crime de droit des gens, « crime des crimes » selon l’expression du Tribunal pénal international pour le Rwanda, créé par le Conseil de sécurité des Nations unies à l’issue d’une période où plus de 800 000 Tutsi du Rwanda furent massacrés par l’action concertée du gouvernement intérimaire issu du coup d’Etat du 6 avril 1994, d’une partie de l’armée, des milices, et de la population invitée à l’extermination par les autorités administratives.

La Convention sur le génocide de 1948 oblige les Etats qui y sont parties (la France est de ceux là depuis fort longtemps) à prévenir le génocide et à en punir les auteurs ou complices individuels. Cette Convention évoque également – sans il est vrai être très explicite – une action qui pourrait être conduite par l’Organisation des Nations Unies.

L’ONU, dont la réaction de retrait pendant le génocide est bien connue, a présenté des excuses à l’Etat rwandais, tout comme l’ont fait, pour leur inaction, les Etats-Unis et la Belgique. Les autorités françaises se sont quant à elles contentées de reconnaître des « erreurs d’appréciation »par la voix du président Sarkozy dont le déplacement au Rwanda, probablement inspiré par le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner, représentait toutefois une avancée. Car cette parole officielle mettait un terme, en 2010, à une période trouble où l’acte d’un magistrat français, la sinistre ordonnance du juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, accusait, sans aucun élément de preuve sérieux, des personnalités officielles du Rwanda de l’après-génocide d’avoir prémédité et perpétré, pour le compte du Front patriotique rwandais (FPR), le mouvement armé de la diaspora Tutsi, l’attentat du 6 avril 1994 souvent présenté comme « déclencheur » des massacres des Tutsi du Rwanda.

Fallait-il aller plus loin ? On avance que des excuses auraient été incongrues parce que, précisément, la France fut la seule à réagir, par l’intervention Turquoise. C’est l’argument le plus souvent présenté : pas d’inaction fautive et, bien au contraire, une intervention de nature humanitaire. Mais les éléments qui sont désormais dans le champ public grâce au travail d’enquête de plusieurs journalistes et militants associatifs – documents d’archives publiés, témoignages de militaires déployés dans le cadre de l’opération Turquoise – attestent, pour le moins, de la profonde ambiguïté de cette opération Turquoise. De même, les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda montrent la protection, à l’ambassade de France à Kigali, des personnalités rwandaises pressenties pour constituer le gouvernement intérimaire issu du coup d’Etat du 6 avril qui sera en place pendant l’ensemble de la période du génocide.

Ces éléments nouveaux doivent conduire à reconsidérer la théorie « humanitaire » et à envisager la présentation officielle d’excuses au Rwanda. Ces éléments nouveaux imposent aussi que soient

via blogs.mediapart.fr

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