De notre envoyé spécial à Barcelone. Oubliez les débats enflammés sur l'indépendance de la Catalogne, et les élections régionales anticipées qui pourraient s'y dérouler dans quelques mois. C'est à l'approche des scrutins municipaux – en mai 2015 à travers toute l'Espagne – qu'a surgi à Barcelone l'une des initiatives « post-indignés » les plus inventives du moment : Guanyem (« Gagnons », en catalan), une plateforme citoyenne, emmenée par des acteurs des mouvements sociaux, qui a des chances de ravir la mairie à la droite nationaliste.
À l'instar de leurs collègues de Podemos, les Guanyem veulent recycler dans les urnes l'esprit du « 15-M », le mouvement « indigné » qui a bousculé l'Espagne en 2011. Mais le collectif, né au début de l'été, s'y prend différemment pour négocier ce virage institutionnel : là où la formation Podemos de Pablo Iglesias s'est présentée d'entrée de jeu aux européennes avec l'ambition de sortir l'Espagne du marasme, les activistes catalans jouent la carte de l'ancrage local. Ils misent sur un travail de fond, depuis les quartiers de Barcelone, pour préparer l'alternative.
« De cette crise, personne ne sortira comme avant. Ce qui nous attend, c'est, au choix, un horizon féodal, avec une augmentation brutale des inégalités, une concentration sans précédent des richesses, de nouvelles formes de précarité pour la majorité des citoyens. Ou alors, une révolution démocratique, où des milliers de personnes s'engagent, pour changer la fin du film. Cette opportunité, certains, comme Podemos, l'ont saisie à l'échelle nationale. Nous, il nous a semblé que Barcelone était le cadre idéal pour lancer cette démocratisation », explique Ada Colau, porte-parole de Guanyem, dans un entretien à Mediapart.
« La mobilisation citoyenne est sans précédent. Les gens comprennent que la délégation de la politique à des “professionnels” nous a conduits à la ruine. La démocratie ne peut plus se résumer à un vote tous les quatre ans. Il faut profiter de ces énergies-là. C'est maintenant ou jamais », poursuit Colau. Cette Barcelonaise de 40 ans, brune et énergique, est connue dans toute l'Espagne pour avoir été la voix de la Plateforme des personnes touchées par l'hypothèque (PAH), un mouvement qui a empêché des centaines d'expulsions immobilières dans le pays.
Le discours d'Ada Colau lors du lancement de Guanyem en juin 2014.Ce jeudi soir d'octobre, dans un square du quartier résidentiel San Antoni dans l'Eixample, ils sont une grosse centaine à s'être rassemblés pour écouter Ada Colau débattre avec des « voisins ». La table, les chaises et les amplis ont été installés un peu plus tôt, il fait encore chaud alors que la nuit tombe. Dans le public, beaucoup de retraités, mais tous les âges sont représentés. À l'un des angles de la place, on vend des badges, des sacs et des T-shirts « Guanyem » – cela sent déjà la campagne électorale. La réunion est filmée et diffusée en direct sur le site du mouvement.
Une photo de campagne d'Ada Colau.
via www.mediapart.fr