De Ferguson aux « zones urbaines sensibles » : la militarisation de la police n’est pas une spécificité états-unienne – Basta !

Inégalités sociales, discriminations racistes, harcèlement policier, militarisation de la police… Les révoltes populaires du mois d’août aux États-Unis, déclenchées par la mort de Michael Brown, tué par un policier, comportent des points communs avec celles qui ont marqué la France ou la Belgique. Les traitements médiatiques de ces révoltes sont également d’une similitude frappante, les mêmes procédés de manipulation de l’information étant à l’œuvre. Une analyse du sociologue Saïd Bouamama.

Le samedi 9 août 2014, un jeune Noir de 18 ans, Michael Brown, est assassiné de six balles dans la ville de Ferguson, au Missouri, par un policier alors qu’il est désarmé et s’enfuit les mains en l’air. Pendant dix jours, la révolte populaire occupe la rue. Les habitants défilent jours et nuits en scandant des slogans significatifs comme « No Justice, No Peace » (Pas de justice, pas de paix). Des magasins et des bâtiments publics sont saccagés, le quartier général de la police est attaqué. La riposte policière est violente, l’état d’urgence et le couvre-feu sont décrétés. Les militaires de la garde nationale sont appelés en renfort pour réprimer les manifestations.

A écouter la presse française, ces révoltes seraient typiquement états-uniennes. Nous serions en présence des effets d’une ségrégation et de « tensions interraciales » qui seraient une spécificité des grandes villes états-uniennes. Cette première grille explicative permet d’éviter et de délégitimer par avance toute tentative de comparaison avec les révoltes touchant régulièrement les quartiers populaires français.

Une seconde grille explicative centre toute l’analyse sur le caractère émotif des actes des révoltés. Cette explication en apparence « compréhensible » vise en fait à dénier tout caractère politique à la révolte afin d’occulter à nouveau les causes réelles de la situation. Dépassés par l’émotion, les manifestants en seraient venus à des actes entièrement irrationnels. Enfin une troisième grille explicative impute à des manifestants extérieurs à la ville les destructions et les saccages. Nous serions en présence de manifestants pacifiques d’une part et de « voyous » venus de l’extérieur d’autre part.

Dépolitisation et division

Avec ces trois grilles explicatives, nous sommes en présence de trois procédés de manipulations médiatiques fréquents dans le traitement des révoltes populaires en France : la mise en exceptionnalité, la dépolitisation et la division.

La mise en exceptionnalité permet de rendre invisibile les causes systémiques conduisant aux révoltes (inégalités sociales massives, discriminations racistes, contrôle policier systématique, etc.). La dépolitisation vise à rendre impossible la solidarité avec les révoltés. Devant des actes « irrationnels », la solidarité n’apparaît pas comme une réponse. C’est aussi pour cela que nos médias préfèrent parler d’émeute plutôt que de « révolte » qui connote politiquement les faits. La division permet enfin de justifier une répression violente.

Il suffit de se rappeler la couverture médiatique des révoltes de 2005, en France, suite à l’assassinat de deux adolescents (400 quartiers populaires pendant 21 jours) pour se rendre compte que les mêmes procédés ont été massivement utilisés. S’il y a bien sûr des spécificités états-uniennes, celles-ci touchent plus la dimension quantitative (ampleur des ghettos et de la ségrégation, ampleur de la militarisation de l’armement de la police) que la dimension qualitative c’est-à-dire celle des causes réelles. Ces révoltes populaires en France, en Belgique ou aux États-Unis révèlent des inégalités sociales et des discriminations racistes insoutenables, un harcèlement policier fréq

via www.bastamag.net

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