Connivence et peur de la controverse. A propos des Rendez-vous de l’Histoire de Blois, octobre 2014, par Guillaume Mazeau

« Plusieurs candidats de Secret Story appellent avec Édouard Louis à boycotter les Rendez-vous de l'Histoire » (…) "J'y crois pas qu'y z'ont invité ce boloss de Marcel Gauchet à dire le truc d'inauguration", s'est ainsi insurgée Jessica dans le confessionnal hier soir, rejoignant, après Dominique A et Jill Caplan, les nombreux intellectuels de la jeune génération déterminés à lutter contre la réaction…». Au cœur de l’été, le web-journal satirique Désinformations.com montre jusqu'où vont les disqualifications du débat qui ne fait alors que commencer à envahir une partie de la presse et de la blogosphère. Aujourd’hui, plus de deux mois après, et malgré les dénégations répétées de ceux qui veulent à tout prix l’étouffer, ce débat a de fait pris les dimensions d'une affaire, inspirant plusieurs milliers d’articles, billets et commentaires et mobilisant plusieurs centaines de pétitionnaires1. Toute pensée doit-elle être posée comme équivalente en démocratie ? Quel rôle les institutions culturelles, médiatiques et académiques jouent-elles dans la banalisation des idées réactionnaires, dans un contexte de montée inédite de l’extrême -droite ? Quelle doit être, quelle peut être l’attitude des intellectuels et des citoyens en général vis-à-vis du dysfonctionnement de ces institutions ? Comment le débat public fonctionne-t-il aujourd’hui ? Quelle est la place des controverses et de la conflictualité politique et intellectuelle dans la construction du savoir et des opinions ? Voici les questions que posent, selon nous, les nombreux appels, pétitions, déclarations, actions et réactions entourant la 17e édition des Rendez-vous de l’histoire de Blois. Agissant en creux comme un révélateur, ces prises de parole donnent, sur le ton inhabituel et peu accepté de l’affrontement, une petite idée des recompositions actuelles du monde politique et intellectuel hexagonal, démontrant le lien entre la montée des valeurs du conformisme et de la modération et la dissémination du conservatisme le plus prononcé.


Les protagonistes.

Lorsqu’au mois de juin 2014, la direction des Rendez-Vous de l’Histoire de Blois, un des plus grands festivals culturels de France dédié cette année-là aux « Rebelles » décide, sans avoir consulté son conseil scientifique, d’inviter Marcel Gauchet pour la conférence inaugurale, elle accomplit alors probablement, de son point de vue, un geste des plus anodins2. Pressée de boucler la liste des participants, elle n’imagine certainement pas une seconde que ce choix secouera le milieu journalistique et savant, inspirant des articles quotidiens jusqu’à l’automne. Précisément. C’est cette banalité routinière même qui semblera à certains révélatrice d’un contexte intellectuel et politique bien plus large, lié au tranquille délitement du débat public et à l’insensible progrès des idées les plus réactionnaires faisant, à plus ou moins court terme, le lit de la pensée d’extrême-droite.


Les pétitionnaires et le festival

Parce qu’elle ne faisait que témoigner des problèmes de gouvernance internes à de nombreuses organisations ou institutions, cette petite décision avait toutes les chances de ne pas passer la barrière de l’espace public. Ce ne fut pourtant pas le cas. Au cœur de l’été, le 29 juillet, Edouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie, tous deux invités au festival, publièrent sur leurs blogs respectifs une tribune informant de leur retrait des Rendez-vous de l’Histoire, appelant même à son boycott et à la démission de sa présidente Michelle Perrot, historienne des femmes. Evoquant leur « stupéfaction », leur « dégoût »

via blogs.mediapart.fr

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