Le dérèglement climatique a longtemps laissé le monde intellectuel français de marbre, à de rares exceptions. L’organisation de la COP21, le sommet de l’ONU sur le climat, au Bourget en décembre, perturbe cette indifférence. On ne compte plus les parutions de livres et les séminaires au sujet du climat. Un des événements phares de cette actualité est l’organisation d’un colloque par la fondation de l’écologie politique au Collège de France : « Comment penser l’anthropocène », les 5 et 6 novembre.
L’anthropocène, c’est cette nouvelle ère géologique causée par l’activité humaine. Venu de la géophysique, ce concept remporte un succès phénoménal chez les chercheurs en sciences humaines et sociales. En quelques années, il est devenu le principal cadre d’interprétation intellectuel des bouleversements du climat. C’est pourtant une notion problématique, comme on peut le lire ici, comme l’explique là le philosophe Bruno Latour et encore ici l’historien Jason W. Moore.
Mediapart a interrogé un de ses principaux défenseurs, le philosophe et économiste australien Clive Hamilton, auteur des Apprentis sorciers du climat (2013) et de Requiem pour l’espèce humaine (2013), et invité du colloque le 6 novembre.
Comment expliquez-vous le succès du concept d’anthropocène ?
Clive Hamilton (Wikipedia).
Clive Hamilton : Le mot « anthropocène » signifie que les êtres humains sont devenus une force tellement puissante sur la planète qu’ils sont capables de changer l’évolution géologique de la Terre. C’est très frappant et perturbant. En science dure, la notion d’anthropocène est controversée, ce n’est encore qu’une hypothèse. Mais dans le monde des sciences humaines et des écologistes, il a capturé l’imagination. Ce n’est pas qu’un concept surplombant. Il concentre toute notre anxiété et toute notre compréhension du monde.
C’est aussi un concept problématique : si l’anthropos, en tant qu’espèce, est responsable du saccage de la planète, alors se diluent les responsabilités historiques entre pays industrialisés et en développement, entre riches et pauvres. C’est la raison pour laquelle l’historien Jason Moore préfère parler de « capitalocène », l’ère du capital, et donc du capitalisme.
Beaucoup de gens
via www.mediapart.fr