Psyché, « dialogue intérieur », fondateur du Je, le dialogue avec les autres Je prend corps dès lors que l’un s’adresse à l’autre, lequel, l’écoute, et, une fois que le premier a terminé de parler, l’autre lui répond, le premier l’écoute et ainsi de suite. Les uns par rapport aux autres, les dialogues ne sont pas identiques, en durée, contenu, intensité, « rigueur », niveau de l’écoute, niveau de l’engagement à aller au fond des choses. Du temps de l’Athènes du 5ème siècle avant JC, les dialogues ne sont pas une exception socratique, mais les dialogues socratiques ne sont pas ceux qui dominent la Cité. Dialoguer, les citoyens y passent un temps considérable, d’autant que les Grecs anciens sont, comme tant de peuples sur cette planète, des bavards. Parler sur tout et rien, c’est ce que font les êtres humains, des origines à nos jours, et seules les conditions de ces dialogues varient. Dans une toute nouvelle « démocratie », ce nouveau régime politique, à l’Ecclésia, à l’Héliée, sur l’Agora, dans les amphithéâtres, les citoyens se parlent, et, par exemple, les tragédies constituent un dialogue intérieur devenu extérieur, qui parle aux citoyens et qu’ils intègrent pour en parler, comme nous le faisons avec le cinéma, puisque, désormais, les spectacles tragiques sont omniprésents. Avant et après les élections, il en va de même. Les dialogues composent donc la vie quotidienne des cités – mais quels dialogues ? Des dialogues peuvent être des monologues, déguisés, masqués. Des dialogues peuvent être superficiels. Des dialogues peuvent nous convaincre d’aller vers des impasses, voire des problèmes. C’est dans ce cadre que la pratique socratique, psychologique, cathartique, politique, apparaît et se singularise. Il invite à ne pas enchaîner les mots, sur, l’habitude, le plaisir, l’influence sociale, à se méfier de ces liens qui, dans les phrases, sont des échos des liens de la réalité ou peuvent les susciter. Là où les dialogues civiques au quotidien fusent, Socrate incarne un coup d’arrêt à cette vitesse sociale, dangereuse, si susceptible de nous entraîner vers l’accident. Si, dans « le Phèdre », Platon donne à entendre un impressionnant éloge de l’enthousiasme, cette « divine possession », Socrate en incarne la négation. Là où beaucoup s’extasient, sur la beauté d’Alcibiade, sur le discours de Lysias, sur le génie de Périclès, Socrate, sincèrement, s’interroge. Pourquoi suis-je si différent de mes concitoyens, pourquoi est-ce qu’ils s’enthousiasment pour des personnages douteux et pourquoi sont-ils si réfractaires pour des personnes de valeur ? Quelque chose ne tourne pas rond. Les Dialogues platoniciens nous parlent d’une enquête : Socrate cherche à comprendre ce qui ne va pas, pourquoi, alors que des nuages sombres menacent à l’horizon, les citoyens chantent et dansent sans sentir…
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