Beauté des révoltes ouvrières, par Yvan Najiels

L'air national était irrespirable. Se succédaient, sur des plateaux radio-télévisés complaisants, des penseurs aussi pauvres du point de la pensée et de la dialectique que réactionnaires sans inventivité. Ils squattaient tout l'espace, oubliant leurs maigres différences pour s'unir sur le reste, sur la crainte d'une "identité" menacée, sur la haine islamophobe (qu'elle soit raciste classique comme chez Zemmour ou nationale-républicaine comme chez les Badinter, Chevènement ou son publiciste à grelots, Onfray) et sur le "vrai peuple" ou "peuple old school" dont on ne voit pas trop, à la vérité, ce qu'il désigne, sorti des chimères déroulédiennes relookées.
Tout ce petit monde, qui ne fait sensation qu'en France parce qu'il annonce l'apocalypse sur un ton chevrotant ou salivaire, se croyait enfin au zénith de son entreprise de malheur, de haine et de réaction sans fond. Il allait même se réunir à la Mutualité – la Mutu !, lieu plutôt symbolique des grands meetings de l'extrême gauche en France – pour entendre notamment ce pauvre Régis Debray, par ex., qui a fait alliance avec des USA qu'il déteste pour défaire un président haïtien légitimement élu – Jean-Bertand Aristide – parce que celui-ci réclamait à la France l'or par elle extorqué des années durant. Le tournant catholique a bon dos.
Le ronronnement réactionnaire était plus assourdissant que jamais. Le PS, la gauche !, ne se sentant plus de joie avançait ses "idées" les plus infâmes via son ministre Macron qui adore Margaret Thatcher, celle qui appauvrit le prolétariat anglais. Destruction des statuts de la fonction publique, travail le dimanche sans la moindre augmentation de salaire, bus pour les prolos et parmi eux, les Bretonnes "illettrées" de Gad… Tout cela après l'ANI, la loi sur le Renseignement, la frilosité – à tout le moins – relative aux réfugiés, etc.
Du côté droit, c'était le même tableau. Les Républicains tirant pour une bonne partie d'entre eux vers le Front national comme seule planche de salut, pensent-ils, pour gagner des élections dans un pays devenu rance dans une fidélité glaçante à ce qu'Alain Badiou appelle son pétainisme transcendental.
Mais patatras ! L'histoire n'est jamais écrite et si l'inertie est nécessairement réactionnaire, le pire n'est pas toujours sûr. Regardez-les vociférer, les patrons, leurs fondés de pouvoir parlementaires (Hollande, Valls et Sarkozy, en l'occurence) et leurs médias radio-télévisés. Ils n'en peuvent plus, ils sont fumasses, la bave aux lèvres. Thomas Legrand sur France Inter regrette que les syndicats soient politisés… Voudrait-il qu'ils soient confinés à décider de la marque de la machine à espressos dans la salle de pause ? Il n'y a que les ultra-libéraux ou les partisans de Pinochet qui, jadis, tenaient de tels propos… Désormais, Patrick Cohen moque, via un document sonore, un journaliste trop gentil en 1945 avec Ambroise Croizat, ministre PCF qui créa la Sécu… C'est de cela qu'il faut rire ? Est-ce même décent quand Finkielkraut est invité plusieurs fois par an sur Inter pour des livres indigents (des chroniques radio imprimées, guère davantage) et qu'il a une heure pour lui, chaque samedi matin sur France culture depuis 30 ans ? Balayés, nos réactionnaires rances médiatiques. La lutte de classe retourne tout !
Les salariés révoltés d'Air France sont, il faut le dire, une bouffée d'air dans ce pays et les propos hostiles à leur révolte, propos relayés partout dans les médias aux ordres ne sont rien moins que honteux. La violence, c'est celle du capital, le licenciement de 2900 salariés ou bien l'obligation de travailler davantage sans augmentation de salaire… La violence patronale et capitaliste contre les ouvrières de Lejaby ou de Moulinex n'émut pas beaucoup la clique médiatico-parlementaire alors que ces ouvrières ont perdu bien plus qu'une chemise. Des vies brisées, des salaires misérables, des salariés suicidés (à Orange, mais pas seulement),

via blogs.mediapart.fr

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