Près de 20 000 manifestants sont venus à Paris honorer la mémoire des trois militantes kurdes assassinées il y a trois ans. Cette commémoration s’est déroulée alors que l’enquête judiciaire est au point mort pour identifier les commanditaires des meurtres. Toutes les pistes mènent vers la Turquie et ses services secrets, dans un contexte où le pouvoir turc est en pleine dérive totalitaire : arrestations de journalistes, répression de l’opposition de gauche, état de guerre imposé aux villes kurdes, assassinats de militants… Sans que la communauté internationale, États-Unis et Europe en tête, ne réagisse.
C’était il y trois ans, le 9 janvier 2013, en plein coeur de Paris. Trois femmes sont froidement exécutées de balles dans la tête. Les victimes symbolisent trois générations de militantes Kurdes, proches du parti indépendantiste Kurde de Turquie, le PKK. D’abord, Leyla Söylemez, la plus jeune, âgée de 24 ans, Fidan Dogan, 29 ans et Sakine Cansiz, 54 ans, la principale cible de ce triple assassinat. Elle était l’une des responsables de l’opposition kurde en exil. Cofondatrice du PKK en 1978, ancienne combattante de laguérilla, cette proche du leader historique kurde, Abdullah Öcalan, était extrêmement influente et respectée. Plusieurs femmes Kurdes qui combattent en ce moment les forces de l’Etat islamique à Kobané arborent sur leur treillis militaire une photo de Sakine Cansiz.
Très vite, la police judiciaire appréhende l’auteur présumé de ce triple homicide : Ömer Güney. Ce jeune Turc âgé d’une trentaine d’années, agent d’entretien à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, venait de passer une année à infiltrer la communauté kurde d’Ile-de-France, et à se rapprocher des instances dirigeantes du PKK en exil en France. Au fil de l’investigation, la justice française démontre que Ömer Güney est bien l’auteur des trois meurtres. Surtout, il a travaillé en étroite relation avec une partie au moins des services secrets turcs, le MIT.
Une enquête entravée
Pour comprendre une telle action, il convient de se replacer dans le contexte turc. Emprisonné depuis 1999 sur l’île prison d’Imrali, Abdullah Ôcalan annonce alors l’abandon de la lutte armée kurde. Le PKK entame des négociations avec l’Etat turc. En 2012, depuis sa cellule, Öcalan lance le « processus d’Imrali » devant aboutir à un accord de paix. Cet accord se fonde sur l’abandon définitif des velléités indépendantistes kurdes en échange de la mise en oeuvre d’un fédéralisme turc, reconnaissant les droits et l’identité des Kurdes de Turquie. A cette époque, le gouvernement conservateur de l’AKP de Recep Tayyip Erdogan semble favorable au processus de paix. Une partie des membres de l’appareil d’état turc – police, justice, armée, services secrets – s’y opposent de façon virulente. Ce sont eux qui sont aujourd’hui mis en cause dans le triple assassinat de Paris.
En mémoire des trois victimes de l’assassinat, près de vingt mille Kurdes venus de toute l’Europe ont manifesté à Paris le 9 janvier 2016. En tête de cortège les familles des « trois martyrs qui ne meurent pas », comme le scande en kurde la foule de Gare du Nord à Bastille. Les manifestants continuent de réclamer que justice soit faite. Si Ömer Güney est toujours détenu, mis en examen pour « assassinats en relation avec une entreprise terroriste » et renvoyé devant une cour d’assises, il n’y a eu aucune réponse des commissions rogatoires adressées à la Turquie. Aucune réponse du gouvernement français quant à la levée du « secret-défense » sur les écoutes qu
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