Andrew Boyd : « En résistant, on se sent plus grand qu’on ne l’est » | L’Humanité

L’ouvrage collectif "Joyeux Bordel" est une boîte à outils de tactiques, principes et théories pour faire la révolution. 
Rencontre avec l’altermondialiste américain Andrew Boyd, esprit bouillonnant qui œuvre pour réconcilier création et militantisme.

Le projet du livre est-il de célébrer, en l’actualisant, le slogan « Créer, c’est résister », popularisé dans les cercles intellectuels et artistiques ?

Andrew Boyd La création est un acte de résistance psychologique et esthétique, mais elle n’est pas seule capable de résister aux pouvoirs. Nous démontrons toutefois à travers des cas concrets qu’elle peut être créative. Le canular, la comédie de la guérilla électorale, les flashmobs, la grève de la dette pour riposter à l’exploitation financière, l’intervention préfigurative qui offre un aperçu de mondes possibles et utopiques, la perturbation créative qui enraye des manœuvres de communication, la projection guérilla, le théâtre invisible ou les luttes contre l’injustice environnementale en font partie.

Faut-il voir ici la volonté de remettre l’imagination au pouvoir dans le processus militant ?

Andrew Boyd En 1968, l’urbaniste Paul Virilio scandait : « L’imagination au pouvoir ! » Un communiste lui a rétorqué : « Le pouvoir aux ouvriers ! » Ce à quoi le premier a répondu : « Camarade, es-tu en train de dire que les classes ouvrières n’ont pas d’imagination ? » Cette anecdote est révélatrice. Le livre avance l’idée que, si chacun est plus ou moins doué, la créativité est une capacité universelle. À travers les mouvements sociaux, les gens ont la possibilité de libérer une créativité qui est souvent enfouie : il existe une multitude de chemins à explorer pour y parvenir. On essaie de combiner dans notre ouvrage la boîte à outils des artistes et celle des organisations militantes. On rassemble ainsi le meilleur de ces deux mondes.

Cet ouvrage veut-il combler un manque éditorial dans le traitement de la richesse et de la variété des modes d’expression militants, dont la France, affirmez-vous, est un « extraordinaire laboratoire » ?

Andrew Boyd Ce livre réunit des expérimentations et des savoir-faire qui n’ont rien à voir entre eux. Ces mouvements s’enrichissent les uns les autres. Tout est interconnecté. C’est un réseau d’idées qui s’instruisent entre elles. Le cadre proposé par le livre autorise la contradiction, à la différence d’une idéologie arrêtée. Les articles qui alimentent le site Web du manuel (http://beautifultrouble.org/) illustrent cette volonté de ne pas figer la réflexion.

Ce livre est-il autant un croisement d’expériences qu’un manuel pratique à la disposition des sphères militantes ?

Andrew Boyd On n’a jamais envisagé l’ouvrage comme une encyclopédie qui prétendrait couvrir les territoires de l’activisme. Si le livre a été utilisé dans des contextes universitaires ou académiques, il n’a pas été pensé comme un catalogue historique. Il ne faut pas le concevoir comme un manuel type qui répondrait mécaniquement à la question : « Comment s’y prendre pour faire la révolution ? » L’exemple de la réquisition citoyenne est parlant. Quand Attac s’introduit dans une banque et s’empare symboliquement de chaises pour dénoncer la fraude et l’évasion fiscales, cette action n’est pas qu’un coup d’éclat. Elle est issue d’une campagne réfléchie depuis un an. C’est tout l’esprit du livre : chaque action s’inscrit dans une réflexion globale qui n’est p

via www.humanite.fr

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