Pendant trois ans, j’ai été une petite main, insignifiante aux yeux de beaucoup, au sein du cabinet de Clara Gaymard, présidente de General Electric (GE) en France. Pourtant, j’ai vu suffisamment de cette réalité pour savoir que GE, ou Siemens, ne veulent aucun bien à Alstom.
Non pas que ces groupes soient mal gérés, bien au contraire. Non pas que les personnes qui les dirigent soient mal intentionnées, loin de là.
Mais parce que dans le monde des affaires, aucun autre intérêt que celui des actionnaires ne prévaut. L’erreur fondamentale d’analyse et de stratégie commise par les dirigeants français depuis 30 ans, amplifiée par le delirium libéral de Bruxelles, est de croire que la mondialisation est un monde merveilleux où l’intérêt général sera défendu par la somme des intérêts particuliers.
Au contraire, la mondialisation renforce chaque jour cette bonne vielle géopolitique égoïste qui lie une entreprise à sa nation-mère. Le renflouement massif des banques « internationales » par les contribuables tout à fait nationaux l’a suffisamment rappelé…
Après la crise, GE reconstruit son empire industriel
J’arrive en 2010, GE est alors marqué par deux échecs qui vont transformer sa stratégie globale et sa relation avec la France.
D’une part, la crise des subprimes a failli détruire le conglomérat. Depuis les années 80, le groupe s’est éloigné du legs de Thomas Edison pour se concentrer sur la finance. GE n’est plus qu’une banque monstrueuse qui détient par ailleurs des usines.
Malgré son poids financier, GE a réussi à échapper aux contraintes de la supervision bancaire, histoire de gagner sur tous les tableaux. Pourtant avec la chute de Lehmann, cette attitude irresponsable l’écarte du bail-out de l’administration Bush, qui finalement le sauve in extremis, en toute illégalité.
Cette triste expérience convainc Jeffrey Immelt, le PDG de GE – qui deviendra le conseiller à l’emploi de Barak Obama – qu’il est grand temps de retrouver la vocation industrielle de l’entreprise. Dans un monde où plusieurs milliards de consommateurs vont accéder au confort occidental, les équipements lourds et les infrastructures promettent, à défaut de performances artificielles, une prospérité de long terme. Seul le microcosme parisien a loupé cette évidence.
GE perd. GE n’aime pas perdre…
D’autre part, l’échec de l’acquisition de la filiale T&D d’Areva par GE en 2009, au profit d’Alstom, a changé les relations entre les deux groupes.
La filiale T&D appartenait à l’origine à Alstom, c’est un joyau que tous les groupes convoitent, aussi bien GE que Siemens. Il s’agit des équipements qui permettent de transporter l’électricité de la centrale jusqu’à la prise de courant. C’est une filière très rentable mais qui demande beaucoup de capital. C’est pour cette dernière raison qu’en 2004, quand Alstom est au bord de la faillite, la commission de Bruxelles lui ordonne de s’en séparer pour recevoir l’aide de l’Etat. Les commissaires ne veulent pas d’aide sans soldes d’hiver sur l’industrie française.
En 2009, Alstom va un peu mieux et souhaite désormais récupérer son ancien fleuron. A ce moment, c’est l’Etat qui décide car il possède Areva. Mais l’Etat ne lui donne pas les moyens de le faire seul. Il exige l’aide de Schneider pour financer l’opération, et donc scinder les actifs. Le bon ami Bouygues, qui possède 30% d’Alstom, est de la partie et fait définitivement pencher Sarkozy pour cette solution certes française, mais boiteuse.
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