La question est : quand est-ce qu’il y a « images et sons », et, dans ces « images », en lien avec elles, des « prodiges » ? Si les prisonniers le sont « depuis l’enfance », c’est que cette omniprésence, le caractère permanent, d’une telle structure intellectuelle-optique, a aussi commencé dans notre enfance. Et comment, dans notre enfance, avons-nous développé des « images » des choses ? Si les animaux regardent les choses telles qu’elles sont, nous, nous accompagnons les choses des mots auxquels nous les lions. C’est le langage humain qui nous constitue, en tant que « voyants », « entendants », et ce que nous voyons/entendons, c’est le langage et pas les choses même. Pour retrouver les choses même, il nous faut apprendre à faire sans le langage. Ce n’est pas qu’il soit intrinsèquement et totalement faux, un faussaire qui nous tromperait en tout, mais il n’est pas intrinsèquement vrai non plus : il est le véhicule d’images-sons, le son qu’il faut pour faire apparaître ces images, les sons auxquels ces images sont associées. Mais alors, avec ce langage, où sont les « prodiges » ? Ils sont divers, et, eux aussi, omniprésents.
Le langage, lui-même, est déjà, en soi, un prodige. Evanescent, sons dans le vent ou formes dans le bois ou la pierre, il fait apparaître ce qui n’est pas là. Nous pouvons convoquer des armées, qu’il s’agisse d’ombres ou, hélas, de vrais soldats. En lui-même, les « prodiges » sont partout : des verbes qui évoquent des actions impressionnantes, des phrases qui résument des faits, des vies, des récits qui font intervenir des héros, des divinités. Obscurité tombée du Ciel comme une Kaaba, la couleur noire est devenue, avec l’écriture, dessins animés : dessins non animés dès lors qu’ils sont pris par eux-mêmes, dessins animés dès lors qu’ils sont énoncés. Et NOS dessins animés modernes ont montré des formes-écritures, avec des noms, des relations, des « prodiges ». Mouvement, voix : vies, et pourtant, rien de ce qui est ainsi suggéré n’a de vie, sauf par les « faiseurs de prodiges ». Mais, du temps de Platon, qu’étaient ces images-sons, ces visions-récits ?