celle des autres.Le poète Alain Jouffroy, atteint d’une tumeur au poumon, s’est éteint dimanche à Paris à l’âge de 87 ans. Personnage multiple, passionné, passionnant, libertin révolutionnaire et dandy, il a traversé le siècle et laisse une œuvre considérable, à l’écriture tendue et nerveuse, au charme puissant, consacrée à la poésie, qu’elle soit dans les mots ou dans la vie.
Né à Paris en 1928, il connaît très jeune le surréalisme, abreuvé à cet élixir de vie, après avoir rencontré par hasard André Breton à Huelgoat (Bretagne) en 1946. Il a 18 ans. En 1966, il fut l’un des derniers à rendre visite, dans le Lot, à l’auteur de Nadja. C’est après la mort de Breton qu’Alain Jouffroy décide d’aller voir Aragon dont il devient l’ami. Touché par les textes d’Aragon sur Breton, il souhaitait les réunir par-delà la mort et perpétuer l’exigence initiale du surréalisme. Ce fut en vain. Il collabore dès lors assidûment aux Lettres françaises, Aragon lui laissant toute latitude pour publier de grands textes dont celui voué à la révélation des jeunes poètes du Manifeste électrique aux paupières de jupes. Il écrit dans les Lettres françaises jusqu’en 1972 et, lorsque Jean Ristat reprend la direction du journal, il continue à y donner des textes importants.
Dora Maar lui ouvre les portes de la critique d’art
À ses débuts, Alain Jouffroy a connu une phase résolument surréaliste. Il a été exclu du mouvement pour « raison morale » en même temps que Matta, Brauner et Stanislas Rodanski… C’est plus tard, pourtant, qu’il se réconcilie avec Breton. Il fréquente Henri Michaux, Francis Picabia, Francis Ponge et Tristan Tzara, découvrant alors combien est précieuse la liberté personnelle de penser et d’écrire. Sa position, il la théorisera ultérieurement en détail dans un essai intitulé l’Individualisme révolutionnaire. C’est ainsi que dans son Anthologie de la poésie française à la première personne du singulier, il s’affirme en partisan résolu de la différence dans l’écriture sans gommer les contradictions. Dora Maar, l’ancienne compagne de Picasso (La femme qui pleure) lui ouvre les portes de la critique d’art. La reconnaissance dans ce domaine vient dès ses premiers textes, parus notamment dans la revue l’Œil. Au tournant des années 1960, il marque de son empreinte l’avant-garde littéraire et artistique. Il est l’ami des peintres Marcel Duchamp, Joan Miro, Vladimir Velickovic, Max Ernst, Daniel Pommereulle, Jean-Jacques Lebel… Il a un lien très fort avec Roberto Matta et avec Wifredo Lam, le peintre cubain. Engagé mais hostile à toute forme d’embrigadement, il est à l’origine, durant la guerre d’Algérie, des manifestations « anti-procès » à Paris, Venise et Milan pour la défense de la liberté d’expression.
Prix Goncourt de la poésie en 2007
On ne peut séparer en lui le critique d’art du poète. N’est-il pas le premier à introduire en France les artistes du pop art et les poètes de la Beat generation ? Son livre Une révolution du regard est un apport considérable à l’art de ce temps-là. Passeur infatigable, il crée la collection de poche « Poésie », fondée avec Antoine Gallimard pour la NRF.
Alain Jouffroy a beaucoup voyagé : Mexique, États-Unis, Cuba (il y rencontre Fidel Castro aux côtés de Michel Leiris et de Régis Debray), l’Afrique et l’Asie, surtout le Japon. Il est d’ailleurs nommé conseiller culturel à l’ambassade de France du Japon à Tokyo (entre 1983 et 1985). Un an avant Mai 68, il publie l’Abolition de l’art, se rapproche de Philippe Sollers et du groupe Tel Quel, dialogue avec Godard. Il participe à la créa
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