Alain Cauvet, vous venez de publier un recueil de nouvelles, intitulé, "Nouvelles, De Quelques Pauvretés", lequel compte 24 nouvelles. Ces récits évoquent la vie d'aujourd'hui. Vous mettez en cause, à travers ces histoires, une deshumanisation, qu'il faudrait même plutôt appeler une dévitalisation, des humains, dans la mesure même où ils se tiennent à distance de la vie, sans sentiments réels pour celle-ci, si ce n'est une "comédie" de sentiments. Dans les scènes que vous décrivez, l'humain de nos plateformes, villes ou pseudo-campagnes, désertées par une vie qui connaît et respecte la nature, est comparable à un zombie dangereux. Si je ne me trompe pas dans l'analyse, je ne vais pas vous demander comment vous allez, comment vous vous portez, mais comment vous survivez ? !
Le mot juste est dit : « survivre ». Merci pour cette analyse. En effet, malgré les vicissitudes de l’humain et, trop souvent les agissements de sa part d’obscurité, il fait bon se ressourcer auprès de Mère-Nature aussi encore Dame-Nature. Quel bonheur de regarder dans les yeux ses chats, de les caresser, d’apprécier les mille choses qu’on a à se dire pour mieux se comprendre. Un chat, un chien, un mouton, une vache, quelle différence. Ils participent, communient l’espace de la vie terrestre, de la communication. C’est aussi apprécier un joli parterre de verdure peuplé de mille et une pâquerettes qu’il convient de respecter en ne les écrasant point. Et puis, un ciel bleu, immense, c’est la beauté de la vie. S’écarter des hommes… Il faut bien penser et apprécier l’homme sous peine d’être vite taxé de marginal. Or, quand on observe ce que l’homme fait subir à la nature et, en première ligne aux animaux, on a vite fait de comprendre ce qu’il était capable de faire subir à ses propres congénères. Qu’on ne me dise pas le contraire ! Les guerres, les délations, les vengeances, les meurtres gratuits ou non, les méchancetés, les violences physiques, morales, les psychopathes en tout genre… se trouvent dans toutes couches de la société. Certes, il existe des êtres doux. Néanmoins, le vernis, notamment de la culture se retire facilement. Et on ne parle pas de celui des religions, excellence des assassinats, des tueries hier, comme aujourd’hui. Au nom d’un Dieu d’amour ! Comme dans les abattoirs où hurlent, défèquent, pissent, pleurent chaque jour trois millions de vaches, canards, oies, ânes, chevaux, moutons… C’est cela l’homme ! Avec en prime, ces bonnes âmes complices de ces meurtres qui apprécieront dans leur assiette les angoisses, le cadavre, la mort pour leur palais ! Bref, l’homme dit évolué, dit moderne !
A l'inverse, on trouve dans votre choix de mots un style romantique, au sens historique du terme, avec cette passion pour la Nature, et cette passion détermine d'ailleurs vos recueils poétiques. Une certaine façon de vivre avec cette Nature existe tout de même à vos yeux, et c'est en Allemagne que vous la trouvez. Bien entendu, vous n'idéalisez pas le pays en tant qu'Etat et régime, mais c'est l'habitat allemand qui vous intéresse, et qui d'ailleurs, dans la façon que vous avez de l'évoquer et de le décrire, ressemble beaucoup à la Comté de Tolkien. Quelle est cette Allemagne qui vous agrée ?
L’Allemagne que j’agrée en en connaissant aussi les limites. Un état d’esprit où existe le respect où on ne fait pas ce que l’on veut. Certes, il existe la manière policée de régler l’organisation humaine. Or, même s’il existe ce filigrane, il n’empêche que prédomine le souci de la collectivité, de l’attention à l’autre, de l’hygiène, du respect. On ne crie pas de manière intempestive, on n’y bat pas les enfants, on fait attention à ne pas jeter par terre ses déchets. Ainsi, les transports en commun publics ou privés, les trains, les gares, les rues sont propres souvent embellis de fleurs entretenues. De même les gens. Point de personnes sales, malodorantes corporellement ou de manière vestimentaire. Quand l’affluence se fait sentir dans les tramways, métros, autobus, on ne sent pas l’haleine fétide de ses voisins comme de manière récurrente en France, la transpiration, le linge sale… Dans ce pays, on rénove, on entretient et rien n’est laissé à l’abandon. Les maisons sont propres, peintes, joliment repeintes et, dans certaines régions, agrémentées de fresques. La netteté est de rigueur. On aime ou pas mais il est tout de même plus agréable de vivre dans un espace où chacun fait attention à l’autre plutôt que de subir l’absence d’éducation, l’irrespect, la malveillance, l’égoïsme. On peut aller dans n’importe quelles toilettes publiques ou privées, c’est toujours net, impeccable. Ce respect aussi pour autrui quand, dans une grande surface spécialisée, on met à votre disposition un espace bébé propre avec produit nettoyant, couche, sopalin. En forêt, aucun détritus. Pas plus que dans les rues notamment au plan des déjections canines. Sans parler de la relation à l’animal qui n’a rien à voir avec ce pays « barbare ». On ne connaît pas les refuges surpeuplés qui pratiquent l’euthanasie comme ici. S’il en existe, c’est en nombre limité et les animaux en faible nombre et la mise à mort est inconnue. Ces « maisons d’accueil » sont propres, chauffés notamment en hiver. Les chiens sortent toute la journée. L’allemand ignore l’abandon. Une question, là-encore de respect, de socialisation, de collectivisation. Quand on prend un animal, on s’engage à vie. On ne fait pas n’importe quoi et on prévoit. De même, on ignore la corrida, la chasse à courre, la chasse à la palombe, les déterrages de blaireaux (animal théoriquement protégé), le gavage des oies, des canards… Ces cruautés à l’égard de la vie. La phrase de Théodore Monod, scientifique naturaliste, explorateur, humaniste, me vient à l’esprit à propos des animaux : « les animaux ne demandent pas qu’on les aime mais qu’on leur foute la paix ». Il me semble qu’en Allemagne, on n’atteint pas le degré de cruauté, de barbarie à l’égard des animaux comme en France. L’Allemagne, c’est aussi le pays du végétarisme comme en Grande Bretagne ou les pays scandinaves. Quel bonheur à la vue de trouver une gamme large de produits sans souffrance animale dans n’importe quelles grandes surfaces ou petites et moyennes surfaces. Sans parler de la restauration rapide qui propose des sandwichs végétariens et vegans. Ici, qu’entend-on par vegan ? On ignore complètement. Or, Outre-Rhin, même dans les collectivités, il est si facile de manger végé… Je ne parlerai pas au plan politique. Car, même si ce n’est pas un pays de cocagne, la corruption y est faible voire inexistante. Un député arrive au Bundestag avec sa propre voiture. C’est un citoyen comme tout un chacun et non pas un prince. Il ne cumule point les mandats. Au Bundestag, on ignore la haie d’honneur des gardes républicains. Il écoute parler l’autre sans le couvrir de ses propos. Le respect ! Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas du paradis non plus.
Dans l'une de vos nouvelles, nous trouvons un dialogue, entre un enseignant et des jeunes, alors qu'ils se trouvent dans la cathédrale de Bruxelles. Là également, ils en viennent à constater et critiquer l'impressionnant, volontairement tel en lieu et place des sentiments sincères que cette "religion" prétend promouvoir. On trouve également un dialogue sur le monde du travail, où l'on constate que les jeunes sont évidemment crédules. Finalement, la déchirure entre l'être et le paraître ne date pas de notre époque ? Et comment analysez-vous la responsabilité de "la religion" dans cette déchirure ?
Les jeunes sont crédules car leur vision des choses, leurs pensées, leurs conceptions de la vie n’ont pas été atteints par les épreuves. Ils sont encore frais malgré leur capacité à la destruction, à l’atteinte portée à autrui., à l’égoïsme aussi. Cela quelle que soit l’origine sociale du jeune. La sincérité est l’une des composantes de l’humain ou son absence. Cela va avec l’essence même de l’individu. Ici, le cadre du travail y trouve une parfaite illustration puisqu’on croit en l’employeur privé ou public, au travail et à sa vertu alors que celui-ci peut vite devenir un danger… Au travers des siècles et, aujourd’hui encore, la religion transforme l’humain. Elle ne libère point, ne rend pas heureux. Au contraire, on y voit la réalité de la méchanceté, la réduction de l’homme, son intolérance, la manipulation, son ignorance surtout voire de l’ostracisme. Et ces souffrances, ces morts au nom de la religion ! De Dieu ? Ce Dieu de bonté, d’amour qui veut le bonheur, la paix, la mansuétude pour ses enfants ? Où est-ce ? Si vous l’avez trouvé, appelez-moi ? Au fil des siècles et donc toujours actuellement, combien de crimes, d’asservissement, de relégation, de tortures sont pratiqués fièrement par des « croyants ». Croire en Dieu ? Croire en les religions ? Pour répondre à la question, les religions n’ont pas pour but d’éveiller, d’épanouir, de rendre heureux. Dans les faits, à travers les siècles et jusqu’à aujourd’hui ont-elles pour buts l’éveil personnel, la réflexion, l’absence d’endoctrinement, la finalité du malheur, parfois la stupidité souvent la soumission involontaire. Dans un autre chapitre, il convient de lire La Boétie et son discours sur la servitude volontaire sans oublier Denis Diderot quand il parle de la religion.
Dans cette Nature paisible qui nous a été donnée, vous avez une affection particulière pour les forêts, ce que confirme vos recueils poétiques. Racontez nous ces forêts que vous aimez.
La forêt est un lieu de pays hormis quand la tempête s’installe. Elle vous accueille tel (le) que vous êtes sans vouloir vous atteindre, vous sermonner, vous prendre. Elle vous écoute. Elle est magique parce qu’elle vous ouvre ses bras. Les feuillages frissonnent et vous parlent de calme, de douceur. C’est un havre de paix à côté de la cité où règnent souvent le bruit, la mésentente, la pollution, l’agitation, les compromis, l’hypocrisie, le vide, l’intolérance. La forêt est vraie. Elle ne trahit pas. C’est le miracle du bien-être physique et mental. Le calme y règne dans toute sa splendeur. Le merveilleux concert des oiseaux vous égaie. Eté comme hiver, la forêt est le siège de tous les charmes, des oiseaux, des rongeurs, de ces merveilles que sont les cervidés entre autres. En été, bien sûr c’est la vie, les couleurs, l’épanouissement et la puissance de Mère-Nature. En hiver, on y apprécie aussi la manifestation de ces arbres dénudés et pourtant pleins de force pour endurer le froid, la grêle, la pluie, la neige, les bourrasques, les différences de température… La forêt, c’est l’expression des saisons. Le ressourcement en est le corollaire. On y puise paix, tranquillité avec la pause du mental en prime sauf à vouloir ressasser ses malheurs. Sinon, la forêt est un lieu aussi de thérapie pour se soustraire aux maux de ce monde. Ce sont les sentiers odoriférants que nous propose Dame-Nature avec sa clarté, son épanouissement y compris quand tombe la pluie, source de bénédiction pour la faune et la flore. La forêt, c’est l’expression de la vie. Bien sûr, l’homme y a fait main basse par son exploitation par les grumes de toute beauté abattus sans vergogne. Ces vies parfois séculaires que l’homme, à bras raccourcis détruit au nom du progrès mais surtout de ses intérêts… Hier comme aujourd’hui. Cet homme devenu le plus grand destructeur de cette planète. Cet homme proclamant sa satisfaction, sa jouissance de la réussite, ses justifications de la destruction programmée, planifiée. Et pourtant, combien donne-t-elle ? Elle qui est toujours fière de sa magnificence et prête à vous entendre. Elle vous attend. Simplement !
Alors, qu’il fait bon de marcher en Elle.
Pour nos lecteurs et lectrices, je vous ai demandé de choisir une nouvelle, pour la publier en accès libre ici. Laquelle avez-vous choisi et pourquoi ?
Je choisis la nouvelle intitulée « Une balade en forêt car elle rejoint non seulement la réponse à l’une des questions exprimée ci-dessus mais surtout l’une des essences de la vie à savoir la forêt, Dame-Nature qui donne tant et sans compter. A l’homme de la révérer comme il se doit par le respect, son écoute car elle est fragile mais peut devenir violente et brutale. L’homme ne peut se passer de cette puissance et le respect qu’elle implique. Examinons ce que cet homme est alors capable de lui infliger depuis tant de siècles et davantage aujourd’hui par le biais de ses moyens destructeurs démultipliés. Si nous nous en éloignons, ne devenons-nous pas des autistes de la vie ?
Téléchargement UNE BALADE EN FORET
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Alain Cauvet a publié cette année plusieurs ouvrages, des recueils de poésie et des nouvelles, et tous ces ouvrages sont listés sur cette page : http://www.amazon.fr/s/ref=dp_byline_sr_book_1?ie=UTF8&text=Alain+Cauvet&search-alias=books-fr&field-author=Alain+Cauvet&sort=relevancerank
Les photographies publiées dans cette note sont de Djoyce : http://djoyce.piwigo.com/