Adama Traoré : Une vie dans le Tombeau (Lettre à Adama), préférez et préférons la vie à la mort

C’est bien de l’être-à-Adama qu’il s’agit dans cette parole d’Assa, voix dans laquelle se font entendre les milliers de voix qui, depuis, réclament «Vérité & Justice». Difficile de faire plus, idéaliste, philosophique, que cette double exigence «Vérité & Justice». C’est dans une langue claire, sans artifices, qu’Assa Traoré s’adresse à nous dans cette «Lettre à Adama», parce qu’il s’agit de faire comme s’il était encore, vivant, parce qu’il y a un refus obstiné de la disparition, si brutale, et pour une cause folle, une violence inouïe. Il y a ces vies, qui ont des projets, humains, devenir ceci, aller là, faire ceci, comme les frères Traoré et des amis avaient celui de créer une entreprise du bâtiment, et puis il y a ce choc qui les détermine constamment. Adama Traoré aurait pu mourir dans un accident, de voiture. Il aurait aussi pu vivre et devenir chef d’entreprise. Mais pour «rien», il a été brutalement arrêté, et, à cause de cette brutalité, son corps a cédé sous la pression, et la vie s’arrête là. Imaginons ce qui se serait passé en France si trois jeunes avaient écrasé un gendarme de leur poids conjugué, et… Quelles auraient été les phrases, prononcée par les Zemmour et consorts, quelles auraient été les expéditions punitives, quelles auraient été les phrases prononcées dans une cour de Justice, les demandes de punition exemplaire, la décision de «Justice», etc, et les conséquences «politiques», avec l’exploitation d’un tel «drame». Heureusement (il faut l’écrire, sinon certains se permettraient de nous accuser de rêver, alors que, nous, nous ne rêvons pas de cauchemars, pour d’autres), cela ne s’est pas produit – mais quand il s’agit d’un jeune qui décède alors qu’il est sous la responsabilité d’agents ayant autorité, représentants l’autorité de l’État, désormais, cela se produit, cela est «banal», comme tant de conséquences, l’impunité, etc. Assa Traoré est le corps de la contestation : la mort d’Adama ne devait pas avoir lieu, et sa mort n’est, ne sera, jamais «banale». C’est son attention à tous ces détails, avant, pendant et après, cette tragédie, qui a transformé sa parole en écriture. Elle ne veut rien oublier, laisser de côté, et donc c’est dans la parole qu’elle conserve les choses, les faits et les êtres, à commencer par Adama : tu as été, et donc tu es. L’Amour n’accepte pas la perte. Assa reprend donc le fil de son Histoire, de ton Histoire, Adama Traoré. A tous les sens du terme, Assa est déterminée par la mort d’Adama : déterminée, parce que son être est désormais marqué par tout ce qui est advenu, et parce qu’elle entend aller au bout de cette marche, pour «Vérité et Justice». Mais c’est toute la famille, leurs amis, les voisins, qui le sont. Deux frères, qui n’ont agressé personne, ont été emprisonnés, et l’un d’eux l’est encore. La violence d’un Etat n’est ni un passé, ni une fiction, ni limitée. Ecraser des citoyens, c’est, et sa prétention, et sa spécialité, et ses réalisations. Assa évoque les figures de ces jeunes et moins jeunes qui ont visité, comme le chantait Claude Nougaro avec une féroce ironie, «les commissariats» ou qui y sont arrivés, déjà morts. En France, ils sont nombreux, depuis des décennies. Et la France est un Etat assez unique en son genre: d’un côté, avec sa «Bible» des «Droits de l’Homme», ils donnent des leçons au monde entier, à commencer par ses propres citoyens, avec un constant discours sur «le droit» et «les droits» (en ce moment, par exemple, du travail), et de l’autre, voit ses agents dépositaires de l’autorité, mis en cause dans telle ou telle affaire judiciaire pour une violence ayant entraîné la mort (forcément sans l’intention de la donner?), n’être JAMAIS condamnés. La France, c’est le paradis pour des violents qui veulent pouvoir agir en bénéficiant d’une protection totale, «l’autorité de l’Etat». Comment se fait-il que ces affaires n’aient jamais donné lieu à des condamnations, avec la prise en compte déjà atténuante, de «sans l’intention de la donner» ? Mais même qu’il n’y ait eu aucune condamnation pour «meurtre à motif raciste» ? Car, étant donné ce que disent, ce qu’écrivent, beaucoup, beaucoup trop (pas tous, disons le), de «policiers» ou de «gendarmes» sur les réseaux sociaux, à propos, de ces jeunes, de ces «populations», comment croire qu’en 50 ans, aucun des plus excités et fanatiques du racisme ne soit passé à l’acte ? Il est vrai qu’il n’est pas aisé de prouver une telle intention, sauf si elle a été explicitement déclarée, mais qu’elle ne le soit pas ne signifie pas qu’elle n’existe pas. En tout cas, si aucun agent ne l’a fait pour…, celles et ceux qui prétendent les «soutenir» à tout prix, eux, s’ils pouvaient, le feraient pour ce motif, puisqu’ils expriment, sur les réseaux sociaux, leur satisfaction de savoir qu’un Adama est mort – puisqu’ils regrettent qu’il n’en aille pas de même des autres «Adama». Chez les racistes d’Europe, le génocide est toujours le projet des projets. Sur le racisme social qui détermine leur vie avant la mort d’Adama Traoré et après, Assa donne des détails sur ce qui s’est passé, avec la mairesse de leur commune, avec le Ministre de l’Intérieur. L’ignoble est vite atteint. Quand le Ministre de l’Intérieur est interrogé au sein de l’Assemblée Nationale, il fait comme si Adama Traoré n’avait pas existé, sans prononcer ses nom, prénom, mais par contre, il proteste contre ce qu’il estime être une mise en cause systématique des «forces de l’ordre». Ce sont des mots simples, mais clairs. Allez-y, vous êtes soutenus. Et après, certains se sont étonnés que le parti représenté par ce monsieur et les autres membres du gouvernement ait été balayé aux récentes élections. Dans les quartiers populaires, ils ont bien compris ce que pensent et soutiennent ces bourgeois PS. C’est le même mépris, c’est le même racisme social : stigmatisation systématique de ces citoyens «des quartiers», parce qu’ils sont des «quartiers» (où ils ont été parqués, de force, par le système économique!), valorisation systématique de tels ou tels, jusqu’aux responsables de la mort d’Adama Traoré, qui deviennent à leur tour des «victimes», dont l’État organise, tous frais payés, l’exfiltration/protection. C’est pour cela qu’il faut lire cet ouvrage. Si la France est devenue un Etat américain/occidental comme les autres, l’intensité du racisme social est telle qu’elle rend possible la punition systématique des uns, dont on utilise après le «casier judiciaire» comme si un «délinquant» supposé pouvait être assassiné parce qu’il emm… tel ou tel !, et l’impunité systématique des autres (le grand banditisme, ses mafieux, et les grands corrupteurs, ne sont jamais arrêtés, en tout cas, emprisonnés), et «vivre en France», c’est, pour tous les citoyens, vivre sous des menaces d’État d’un niveau très élevé. N’est-ce pas dans ces fameux «Etats totalitaires» que les Etats disposent du droit de vie ou de mort sur les citoyens ? L’ouvrage d’Assa Traoré fait partie de la liste des livres qui permettent d’ouvrir les yeux sur ce contrôle social avec, d’un côté, des gens supposés importants, qui se pensent comme te
ls, qui parlent et agissent comme tels, avec un système organisé pour les valoriser et les protéger, et de l’autre, ceux qui ne le sont pas, aux yeux des premiers et qui peuvent, à n’importe quel moment, subir une agression d’État, sous une forme ou sous une autre. La foi en la «Justice» doit se maintenir, parce qu’il s’agit toujours d’une «foi» dans la sensibilité et une intelligence humaines, parce qu’il s’agit de nous approcher de nos Idéaux et de l’Idéal, où aucun Adama Traoré ne perd la vie.

LETTREAADAMAPARASSATRAORE

 

 

Dernière précision : concernant police et gendarmerie, il ne s'agit pas d'être contre – ni pour ! il ne s'agit pas de considérer que tout acte commis par un agent l'est par les autres, mais il est regrettable de constater qu'il se trouve des agents pour défendre les auteurs d'une telle mort, parce qu'ils sont des agents "comme" eux ! On espère, évidemment, qu'ils ne sont et ne seront jamais "comme" eux, parce que sinon, il y aurait beaucoup de citoyens morts dans les rues à cause de ! de même que lorsque des personnes accusées d'une délinquance ou d'un crime sont mis en cause, personnellement, et pas leurs familles, et pas leur groupe social, etc, il doit en aller de même si les personnes accusées de, appartiennent à la police ou à la gendarmerie. A notre connaissance, il n'en va pas du tout ainsi. Il n'y a ni Liberté(s) (réelles), ni Egalité (réelle), ni Fraternité (réelle). C'est toute la République qui est sapée par de telles tragédies, par les comportements, décisions, propos, des "responsables de l'Etat".

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